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Un acteur nommé désir
Marlon Brando ; Patricia Bosworth
Editions Fides. 320 pages.
Patricia Bosworth travaille pour deux médias : le très glamour Vanity Fair et le très sérieux New York Times. Ce grand écart est un atout pour déshabiller le mythe Brando. Car, de cette icône, que retient-on? L'acteur génial? la personnalité mégalomane? l'image du voyou en cuir? Brando c'est un mélange des trois, entre l'art et la propagande visuelle. En 4 films, il impose son caractère (Un tramway nommé désir), sa beauté (Sur les quais), son charisme (Le dernier tango à Paris) et son génie (Le Parrain). Il en devient une caricature, mais aussi un modèle. La quintessence du Grand acteur qui dévore tous ses partenaires par sa seule présence à l'image. Un ogre.
Il célébrera ses 80 ans en 2004. L'occasion de le découvrir et d'en savoir un peu plus sur ce monstre sacré, légende de son vivant, dinosaure d'un autre âge. Il a tourné chez Kazan, Bertolucci, Coppola, mais pas seulement : Mankiewicz, Zinnemann ou le projet manqué avec Kubrick, son refus de jouer Lawrence d'Arabie, ses relations orageuses avec Carol Reed.
Le livre, très classique en se contentant d'une narration chronologique et très peu analytique, permet surtout de comprendre la manière de fonctionner de Brando - de son mépris pour le milieu cinématographique aux angoisses procurées par la célébrité. Cela permet, quelques semaines après la mort de Kazan, de connaître les méthodes du cinéaste et les débuts de l'Actor's Studio. Mais aussi la réaction plus trouble après le témoignage du réalisateur devant la Commission McCarthy. Bosworth ne peut pas s'empêcher de livrer des détails futiles mais amusants sur la garde robe de Brando, à chaque description. Avec plus d'intérêt, on décortique ses relations personnelles, le poids de son entourage, et sa manière de travailler. Le regard est lucide, admiratif, presque clinique parfois. Mais la journaliste de Vanity Fair n'a pas pu s'empêcher de s'attarder sur L'équipée sauvage et le "look" Brando. Celui qui a forgé le mythe de la star.
Croisant les biographies de Kazan, Vivien Leigh ou même son propre travail sur Montgomery Clift, ce livre est une passerelle vers un cinéma oublié, vers un acteur d'une autre trempe. Marlon Brando apparaît fragile, vulnérable, prêt à s'échapper de son destin miraculeux. Témoignage d'une midinette assumée, ce portrait n'a rien d'une psychanalyse mais ne s'égare pas non plus dans l'intellectualisme souvent pesant de ce genre d'exercice. Pour les fans, le livre est indispensable, fourmillant d'anecdotes. Pour les cinéphiles, c'est une référence essentielle pour dessiner le cinéma américain des années 50.
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