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Deux fois par an, un ovni surgit dans le petit monde tranquille de la presse française. Objet sexy et flamboyant, Faux Q bouscule les codes de l’édition magazine pour imposer son propre style, à savoir du fond, brillant, servi par une forme sublimée. Comme l’incarnation rêvée du magazine culturel et fashion idéal, qui ne prendrait pas ses lecteurs pour des truffes, et flatterait leur cerveau autant que leur regard, les cinq sens en émoi.
A la confluence de tous les arts, ce gigantesque pavé d’humour et d’intelligence sur papier glacé s’articule à chaque numéro autour d’un thème unique : Chiffres, Nuit, Révolution… Pour son numéro 8 (été-automne 2012) actuellement en kiosque, il s’imagine « Animal ». A poils, à plumes, et même à écailles. Au sommaire, des petits textes pleins d’esprit : fictions à la première personne, réflexions philosophiques, essais… On y croise aussi bien le « Festival de Can(n)es » fantasmé que la rencontre charnelle et poétique entre La Féline de Jacques Tourneur et La bête de Jean Cocteau (« Chair animal »), un hommage à Laïka et aux Black Panthers (« Arrêt sur image ») qu’une exploration des effluves animales (« Ménagerie de verre ») ou une interview de la réalisatrice Patricia Mazuy (« Peaux de vache »).
Mais là où Faux Q affiche véritablement sa différence, c’est dans le soin qu’il porte aux illustrations. Réinventant les pages "mode" des journaux féminins, le magazine propose des séries luxueuses aux éclairages raffinés, mettant en scène des bijoux féériques (« La pie voleuse »), des fourrures vaporeuses (« A poil »), des coiffures extravagantes (« Mouches à bouche »)… Le format atypique de la revue renforce l’impression d’onirisme étincelant doublé de gourmandise coupable.
Plus on tourne les pages, plus on est fasciné par l’inventivité des montages et le charme brut des photographies. Sur une double page, une femme mystérieuse s’oublie dans la contemplation farouche d’un ailleurs qui nous échappe, le visage constellé de lumières colorées. Elle dégage cette animalité spontanée qui n’a que très peu à voir avec la beauté physique. Plus loin, des carcasses de viande, décorées d’un ruban de couleur, précèdent des Miss allemandes portant l’écharpe des reines de beauté. « Bêtes à concours » dit la légende. Et ainsi de suite, de surprise en clin d’œil, de sarcasme en féerie.
« Animal, on est mal » chantait Gérard Manset. Grâce à Antigone Schilling (rédactrice en chef de Faux Q) et à son équipe associative, désormais, ce serait plutôt : « animal, on s’enflamme ! »
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