LOUIS DE FUNES

IL ÉTAIT UNE FOIS SERGIO LEONE




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 (c) Ecran Noir 96 - 24


Octobre 2013

PASOLINI ROMA
Le non conformiste

Du 16 octobre 2013 au 26 janvier 2014 à la Cinémathèque française
Rétrospective et intégrale du 17 octobre au 30 décembre
Catalogue de l'exposition édité chez Skira Flammario - 264 pages
Ressorties en salles de Mamma Roma, Médée, et Salo et les 120 jours de Sodome

Il y a la mère, à l’origine, et la mer, à la fin. Entre les deux, 25 ans d’une existence mouvementée, celle de Pier Paolo Pasolini, vanté comme étant « l’artiste italien le plus scandaleux du XXe siècle ». L’exposition Pasolini Roma montre pourtant qu’il n’y avait rien de scandaleux. Pasolini ne voulait pas choquer gratuitement ou provoquer inutilement. Tout était réflexion, aboutissement d’un long processus intellectuel et créatif, illustration d’une vie douloureuse.

La mort du frère, juste avant la fin de la seconde guerre mondiale, l’exil à Rome avec sa mère, la misère. Début 1950, Pasolini n’est rien mais il est déjà romain. La Cinémathèque propose alors un parcours à la fois chronologique et géographique, parvenant à synthétiser sa vie et son œuvre en six périodes.

Chaque chapitre s’ouvre avec un film en plan fixe d’une rue de Rome et d’un plan d’époque de la capitale italienne où sont épinglés les lieux qui ont une importance pour l’artiste durant la période qui s’ouvre à nous. Et c’est à chaque fois une exploration qui satisfait notre curiosité, qui attise notre savoir.

Enseignant pauvre , poète exclu du PCI, écrivain et cinéaste persécuté par la justice, homosexuel assumé et anti-Vatican affirmé, romain avant tout, intellectuel du premier cercle au fil des années, peintre (tableaux et autoportraits ponctuent les murs)… Pasolini, toujours élégant, chez lui ou sur les plateaux, se dévoile au fil de photos (chics), de films (à redécouvrir), et de manuscrits, poèmes ou correspondances (instructives).

Toujours à se justifier face à la morale, à répondre aux accusations (avec esprit), à défier la religion et la censure, (défendu par Fellini, Visconti…) Pasolini n’état pas scandaleux, il était singulier dans une Italie traditionnaliste. Il réalise son premier film alors que l’Italie est en mutation, que Rome s’étend au delà de son cœur antique, que les avions à réactions décollent de l’aéroport pour l’Inde, le Mali, la Palestine, New York et Paris… Au fil des années, son angle de vue changera. Déçu et dégoûté par l’Italie, il trouvera son salut à l’étranger. Fera de la Callas, son amitié amoureuse, sa Médée. Enquêtera sur la sexualité des italiens et choquera l’Italie avec des films où la nudité et le sexe ne sont pas tabous. Tout cela on le sait, on le revit. On ne s’étonne pas de sa préscience sur l’avenir dominateur du capitalisme ou sur son analyse fine de la lutte des classes, distinguant la bourgeoisie du peuple. Lucide sur l’effet nocif du succès. Rarement une exposition de la cinémathèque nous a autant parlé de l’Homme, davantage que de ses œuvres. Au point de consacrer des pans entiers de ses murs à la rencontre amoureuse la plus importante de sa vie, Ninetto Davoli.

Et puis, tout finira avec un film, une scène où l’on tue l’amour, le plaisir, la jeunesse par bêtise dans Salo ou les 120 jours de Sodome. Un meurtre froid qui préfigure de quelques jours l’assassinat de l’artiste sur une plage d’Ostie. Dernier voyage. Avec un ultime clin d’œil, celui de Nanni Moretti qui lui rend hommage, en circulant à scooter aux alentours du lieu fatal.

De la misère de ses débuts au mystère de sa fin, de Termini Stazione au terminus, la vie de Pasolini aura été riche et tragique, côtoyant les Moravia et Godard, écrivant un pamphlet sur le pape et une magnifique lettre à Marilyn, « petite sœur cadette », le jour de sa mort. La scénographie met en scène parfaitement ses contrastes et ses harmonies.
Il ne manque plus que les « ragazzi » pour nous faire revivre cette époque si lointaine. Pourtant ses combats semblent toujours d’actualité. Erotique et païen, de gauche et presque anarchiste, intellectuel absolu, Pasolini reste un cas à part dans l’histoire du cinéma mondial. Capable d’écrire La dolce vita et de filmer L’évangile selon Mathieu comme le blasphématoire La Ricotta.

- vincy