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La fièvre dans le celluloïd
Exposition François Truffaut
Cinémathèque française, Paris 12ème
Du 8 octobre 2014 au 25 janvier 2015
S’attaquer à François Truffaut à travers une exposition, c’est forcément ambitieux. La scénographie du parcours rend les choses plus aisées. Avec un décor épuré et élégant, misant sur l’identité visuelle de l’opération marketing autour de la célébration des 30 ans de la mort du cinéaste (livre, dvd, …), la Cinémathèque française a choisi un parti pris de minimalisme et de simplicité.
Cependant, qu’on ne s’y trompe pas, il y a peu de défauts à cette exposition. On pourra toujours reprocher le manque de « témoignages » (visuels, audios, écrits) sur le personnage, la frustration de voir peu d’extraits de films ou de « making of », ou encore l’absence d’exemples d’articles et de critiques qu’il écrivait.
Mais ceci mis à part, on salue le travail pédagogique, les thématiques choisies et la richesses des archives exhumées et exhibées. On redécouvre un réalisateur, scénariste, producteur passionné, intense, avide de lectures et de cultures, curieux, assumant le romantisme, le romanesque, son goût de l’intime et surtout son indépendance, sa liberté.
On redécouvre à quel point Truffaut a bouleverser l’industrie du cinéma. En tant que critique, réhabilitant ou glorifiant Cocteau, Renoir, Hitchcock, Bresson, mettant aux archives Autant-Lara et Allégret. En tant qu’auteur en faisant parti de la Nouvelle Vague, et en restant l’un des rares (avec Demy, Varda, Chabrol, Godard, Rozier et Rivette) à survivre de ce phénomène. En tant que cinéaste-biographe en créant son double Antoine Doinel/Jean-Pierre Léaud. En surface, on garde en mémoire Deneuve, Ardant, Bisset, Pisier, Adjani, Jade, Seyrig, Laffont, Dorléac évidemment. Qui d’autre que lui a rendu les femmes si magnifiques au cinéma ? Mais quand on tire les tiroirs pleins d’archives, c’est un homme complexe, travailleur, voyageur, grand lecteur, farouchement opposé à toutes formes de prison qui se révèle.
L’exposition, qui ne manque pas de rappeler ses liens avec le cinéma américain, à valoriser les grandes comédiennes qui furent parfois ses amoureuses, semblerait même un peu courte tant on voudrait en savoir plus sur sa méthode de cinéma. Mais elle est fidèle à Truffaut : une déclaration d’amour courtoise, distinguée et pudique. Elle donne envie de lire les livres qui lui sont consacrés, de revoir ses films. Après lui, la critique ne fut plus comme avant. Le cinéma non plus. Il a des héritiers. Le film d’Axelle Ropert qui conclue l’exposition en témoigne. Truffaut aurait sans doute aimé faire tourner la jeune génération d’aujourd’hui. Mais il a désormais sa place au musée : allez y jeter un dernier coup d’œil dans sa rétro. Lui ne s’embarrassait pas de convenances ou refusait les contraintes. Il fallait filmer. Il voulait que ses « films donnent l’impression d’avoir tournés avec 40 degrés de fièvre ». Une folle passion du cinéma : la Cinémathèque ne pouvait que le rappeler avec un tel hommage.
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