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Les bouts des seize
Hors festivals, découvrir un court métrage tient toujours de la gageure et la compile DVD représenterait une alternative qualitativement idéale pour rassembler ces oeuvres discrètes car boudées par la grande diffusion. Le producteur Luke Morris s'est en tout cas fixé la mission d'archiver les débuts prometteurs mais méconnus de ceux qui sont passés à la postérité du grand écran et qui sont par conséquent susceptibles de captiver même les moins curieux d'entre nous. La démarche s'était révélée probante pour le premier tome édité consacré au cinéma britannique. De Mike Leigh à Ridley Scott, en passant par les plus jeunes Stephen Daldry ou Christopher Nolan, le panorama était exhaustif, mais en tout cas largement représentatif des couleurs culturelles du royaume de sa majesté. Le menu de la seconde fournée laisse plus interrogatif quand la thématique s'élargit à l'ensemble de l'Europe. Si le niveau des oeuvres répertoriées est toujours au rendez-vous, la cohérence de l'ensemble est moins frappante. L'initiateur avoue lui-même avoir privilégié ses coups de coeur à la tentative d'esquisser un profil européen fédérateur qui s'apparente plus à une chimère qu'à une réalité. Un brin dépareillé, la programmation propose souvent le grand écart, de Kounen (Gisèle Kerozène) à Godard (Charlotte & Véronique, ou Tous les garçons s'appellent Patrick), du pince sans rire scandinave Roy Andersson au bouillonnant latin Moretti... Le cinéphile collectionneur y trouvera forcément son bonheur, le grand public appréciera également le zapping hautement divertissant. Et puis cerise sur le gâteau, bien qu'en totale tricherie avec le principe, L'homme sans tête de Juan Solanas, première peuvre d'un argentin à la merveilleuse poésie, primée un peu partout l'année dernière, qui se fond naturellement avec les bouts d'essais des plus grands du fait de sa maîtrise remarquable (à la rigueur tous n'ont pas commencé par des chefs d'oeuvres). Auberge espagnole, assiette anglaise ou potée auvergnate, les petites histoires de ce DVD procurent une dose d'évasion itinérante aux destinations hasardeuses mais du même coup sans répétitions de paysages. Bien malin celui qui saura définir le cinéma européen après visionnage cependant.
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