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Sur les planches d'Avignon
L'édition 2002 est parvenue à un équilibre délicat entre audace et succès... Pour la 56ème année, Avignon vit au rythme du théâtre tout le mois de juillet... Le rêve de Jean Vilar s'est transformé en une grande messe annuelle où professionnels, néophytes ou amateurs viennent goûter aux joies du théâtre. Il y a de cette excitation dans la cité papale... mais aussi une certaine schizophrénie entre les 40 spectacles du "in" présentant "la crème de la crème" de la création contemporaine et le "off", sorte de grande salade mixte avec plus de 250 spectacles de qualité très inégales.
Entre modernité et tradition, le mythe d'Avignon reste vivant et le Festival demeure une référence mondiale en matière théâtrale. Dans la Cour d'honneur du Palais des Papes - renovée cette année et qui peut accueillir désormais 2000 personnes - le Festival présente deux créations très différentes : la pièce "Platonov" d'Anton Tchekhov et "noBody", un spectacle chorégraphique de Sasha Waltz. Le théâtre et la danse, preuve d'une ouverture déterminée du Festival sur les diverses formes des arts de la scène. La mise en scène d'Eric Lacascade du "Platonov" est assez classique mais il habite l'espace de façon très intéressante et utilise ce Palais et cette Cour comme un décor singulier et événementiel. Il joue sur le gigantisme de la façade de la Cour d'honneur et propose des images nouvelles en permanence... Un vrai éblouissement qui atteint son paroxisme au moment d'un feu d'artifice sublime, en papiers, plastiques et lumières. Quant à "noBody", cette pièce clôt le triptyque de Sasha Waltz sur l'observation du corps et de l'être humain. Comme pour "Körper" ou "S", qui avaient été présentés au Théâtre de la Ville cette année, "noBody" est une partition chorégraphique belle et épurée, parfois forte et violente mais trop formelle pour transmettre de réelles émotions aux spectateurs.
Parmi les autres temps forts de cette édition 2002, il y a la présence de Romeo Castellucci avec sa création "A. #02 Avignon" qui divise la critique par sa démarche provocante et innovatrice dans ses pièces et l'exposition "To Carthage then I came" à la Chapelle Saint-Charles. Trois textes du peu conventionnel auteur-metteur en scène espagnol Rodrigo Garcia sont également au programme : "Prometeo" mis en scène par François Berreur avec un ring de boxe perché au sommet d'une montagne signé par le scénographe Bernard Michel, "Je crois que vous m'avez mal compris" et "After sun" mis en scène par l'auteur lui-même.
Avignon propose aussi les classiques anciens ou modernes : Bertold Brecht, William Shakespeare, Heiner Müller, Jon Fosse,... et se permet parfois des adaptations peu orthodoxes comme "La tragédie de Macbeth" de Shakespeare mis en scène ou plutôt à dos de chevaux par le Théâtre du Centaure... C'est dans cette diversité que le Festival arrive à puiser sa force et à convaincre. S'il suit les modes, c'est peut-être parce qu'il les crée. Toutefois, il plane sur Avignon pendant le Festival une certaine légèreté et une curiosité rare de nos jours. Aller voir ailleurs, voir d'autres choses, voir d'autres ailleurs...
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