- Novembre 2003
- MC 93
- Steven Spielberg
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DÉCEMBRE 2003

BLOW UP

L'exercice a été profitable, Monsieur
d'après Serge Daney
Un spectacle de Sentimental Bourreau
au MC 93 du 14 nov au 7 déc 2003
en tournée à partir du 21 janvier 2004
par Vincy

Inévitablement. Un cours de tennis et un regard sur le cinéma font penser au film d'Antonionni, où le photographe n'avait plus qu'à imaginer le match pour le voir. La pièce mélange l'idée du spectacle, la notion de loisirs, du sport à la carte postale de voyages, de la musique à la télévision. L'ensemble nous interpelle pour nous faire réfléchir sur le cinéma.
Pas n'importe quel cinéma. Celui de Serge Daney, critique aux Cahiers du Cinéma. À une époque où certains se plaignent de la démission du rôle de critique (pour ne pas dire reddition) et tandis que Bertolucci réveille les fantômes morts des cinéphiles de chez Langlois (The Dreamers), la troupe de Sentimental Bourreau refait le match. Un grand écran, forcément. Un orchestre de musique, pourquoi pas. Un cours de tennis pour se renvoyer les balles, les mots, les souvenirs. Et bien entendu, une arbitre et deux joueuses.
Dès les premières notes, tout est annoncé. Un gros doute sur notre siècle ("Parfois j'ai envie de changer le monde") et une chanson douce ("Ce soir on vous met le feu").
Ce mixage fait su spectacle un décor multimédia, une oeuvre presque interactive entre le 7ème Art et les spectateurs. Le cinéphile devient "regardeur professionnel", et ne sait plus quoi mater : le match Borg/McEnroe, ce décor multi-usage, ou alors peut-être ne faut-il qu'écouter?
L'hommage à Daney ne fait qu'interpréter une vision nostalgique du cinéma. Ce cinéma qui servait de débat, qui envahissait nos vies, nos opinions, nos discussions. Cinéma, élément charnel mais aussi partie de notre cerveau. "Les enfants veulent des sensations. Les femmes veulent des sentiments. Les intellos veulent des idées. C'est peut-être la conjonction des trois qui donnent l'émotion." Voilà qui résumerait bbien cette pièce vivante et rythmée. Des sensations, des sentiments, des idées. Et ça swingue!
On revisite par ailleurs quelques classiques, de Moonfleet à La Nuit du Chasseur (le bien et le mal finalement). Dans un grand solo, Judith Henri (La discrète) nous hurle sa haine du Grand Bleu bessonien et son amour de la Palombella Rosa morettienne. Ah les actrices! Judith, mais aussi Aurélia Petit, Kate Strong, légères, pimpantes, déterminées. Et en plus, elles chantent. Des sales gamines qui s'amusent sur leur terrain de jeu, en se prenant pour Kim Novak dans Vertigo ou Liv Ullman dans un Bergman. Il suffit de fouiller dans la glacière et ce sera autant de trésors et d'accessoires possibles pour parler du cinéma.
Mais tout n'est pas que divertissant. De la Shoah (du père) au SIDA (du fils),de films en dates, de dates en événements politiques, l'histoire personnelle et l'Histoire contemporaine s'entremêlent.
Le cinéphile devient le cinéfils. "Le cinéma n'est pas une technique d'exposition des images, c'est un art de montrer. Et montrer est un geste, un geste qui oblige à voir, à regarder." Les films nous regardent même. "Sans ce geste il n'y a que l'imagerie. Mais si quelque chose a été montré, il faut bien que quelqu'un accuse réception. (...) Moi je n'ai pas été un grand serveur, mais, je crois, un bon relanceur, comme Jimmy Connors." Dixit Daney lui-même.
Ce grand amoureux du cinéma, pour qui un mauvais plan pouvait tout gâcher. "Le documentaire c'est ce qui arrive aux autres et la fiction c'est ce qui m'arrive à moi." Tout est là. Dans le jeu du je et de l'image. On oublie la fantaisie pour se laisser porter par cette envie de défendre un art qui n'existe plus que comme industrie.
"Le cinéma est désormais passé dans la minorité. Active, l'on espère." Il y en avait 7 sur scènes, et sans doute pas mal dans la salle. En tout cas, nous nous sommes tous demandés quels sont les 5 films qui ont regardé notre enfance. À défaut de les mimer dans une très jolie chorégraphie finale.

LA VÉRITÉ EST MINORITAIRE

Steven Spielberg, Mythes & Chaos
de Jean-Pierre Godard
Ed. Horizon Illimité - 136 pages
par Vincy

Deux films de plus, cela justifiait un remise à jour des bios et des filmos. Comparativement au livre de Dupuy, Benon et Gontier qui s'interrompait avec A.I, nous constatons une présentation plus professionnelle et un contenu plus dense. On regrettera, à l'inverse du livre sur De Palma, une absence d'approche thématique et analytique. Mais le propos est documenté et précis. Jean-Pierre Godard, grand fan du réalisateur, ne s'est pas compliqué la vie et retrace l'ensemble de sa carrière film par film,a vec quelques annexes bien plus pertinentes. Il ne faut pas s'attendre à un discours critique. Le titre, Mythes et Chaos, est un leurre. Seul le mythe compte. ce livre permet un upgrade intéressant et esthétique par rapports aux ouvrages déjà publiés.

LA VIE DE BRIAN

Les mille yeux de Brian De Palma
de Luc Lagier
Editions Dark Star. 255 pages.
par Vincy

Cela s'appelle Les mille yeux de Brian De Palma, mais ça aurait pu se nommer Puzzle. Le livre est une véritable déclaration à ce cinéaste complexe, sous-estimé, rarement compris immédiatement. À l'instar du rétrospective, ce livre voyage sans chronologie mais avec intelligence dans l'univers de cet auteur. Car Les mille yeux de Brian De Palma prouve une chose et ne sert qu'à la démontrer. De Palma est un auteur et n'a rien d'un Hitchcock de série B. Le lecteur explorera ainsi sa référence au Maître, mais aussi son détournement, pour ne pas dire son affranchissement. des complots qui nourrissent ses films aux frontières qu'il ne cesse de traverser (voire transgresser), De Palma livre ici ses obsessions. La plus belle réussite du livre n'est pas d'exprimer les contours d'une oeuvre complexe en toute simplicité. La recommandation pour cet achat est liée à la qualité de la mise en page et des images. Véritable plongée dans le cinéma de De Palma, les scènes se dévoilent sous nos doigts, dialogues inclus. Ou comment comprendre en 250 pages ce que signifie le talent et la mise en scène. Une belle leçon de cinéma.

 
 
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