La fin des années 60 et les année 70 : l'émergence de diverses réalisatrices.
Sous l'impulsion donnée par Agnès Varda, d'autres réalisatrices apparaissent sur la scène cinématographique. L'année 1968 donne jour à un véritable besoin d'expression de la part des femmes. Et le 7ème art est un terrain tout indiqué pour s'exprimer. C'est ainsi que l'on voit naître au cinéma marguerite Duras (tout d'abord avec le scénario et les dialogues de Hiroshima mon amour d'Alain Resnais en 1959, puis avec Détruire, dit-elle en 1969 et India Song en 1975), Nadine Trintignant (Mon amour, mon amour en 1967, Le Voleur de crimes en 1969), Nelly Kaplan (La Fiancée du pirate en 1969, Papa, les p'tits bateaux en 1971, Néa en 1976), Nina Companeez (Faustine et le bel été en 1971, L'Histoire très bonne et très joyeuse de Colinot Trousse-Chemise en 1973), Yannick Bellon (Quelque part, quelqu'un en 1792). D'autres suivent : Coline Serreau (Mais qu'est-ce qu'elles veulent ? en 1976, Pourquoi pas ? en 1977), Chantal Ackerman (Je, tu, il, elle en 1974, Les Rendez-vous d'Anna en 1978). C'est ainsi tout un pan du cinéma, certes minoritaires, qui est fait par des femmes.
Afin que leur existence prenne corps et soit davantage reconnue, l'association Musidora voit le jour en 1973. Son but : accompagner les films de femmes, tant sur le plan de la création que sur celui de la distribution. L'élan cinématographique féminin prend forme. Dès 1974, en collaboration avec le CNC, l'association met en place un festival de films de femmes à Paris. Dans les premiers mois de 1974, la célèbre Revue du Cinéma, Image et Son consacre un dossier aux femmes dans le cinéma.
Bien entendu, certains mouvements et certaines revendications sont clairement féministes. On reproche même à Musidora de ne revendiquer qu'un côté féministe au détriment de la création cinématographique à proprement parler. Mais les faits sont là : même si certains axes semblent quelque peu extrêmes, après un long silence, les femmes existent et elles le font savoir.
C'est ainsi la sortie de moult films militants : Histoires d'A de Marielle Issartel et Charles Belmont (constat pro-avortement à la suite du " Manifeste des 343 salopes " signé en 1971 par 343 femmes ayant avorté, dont Marguerite Duras, Ariane Mnouchkine, Agnès Varda, Catherine Deneuve et Bernadette Lafont), La Petite ménagère d'Annie Comolli (démonstration du poids des habitudes dans la prédestination féminine quant aux tâches ménagère), Quand les femmes ont pris la colère de Soazig Chappedeleine et René Vautier (siège d'une usine par des femmes d'ouvriers)…
Côté grand public, Agnès Varda, réalisatrice clef de l'émergence du cinéma au féminin, tourne en 1977 L'une chante, l'autre pas, l'histoire de deux femmes en plein mouvement de la libération féminine. Avec ce film phare, elle réalise quelque chose qui a à voir avec la nouvelle condition des femmes dans la société. C'est ainsi un véritable reflet de beaucoup de préoccupation de l'époque : droit pour les femmes de disposer de leur corps, liberté sexuelle ou choix familiale, lutte pour l'avortement, création artistique… Le film est alors tellement représentatif et juste par rapport au sujet féminin que l'on peut aisément le considérer comme un parangon des films de femmes de l'époque.
Parallèlement, on assiste également à l'émergence de comédiennes qui passent derrière la caméra : Jeanne Moreau (Lumière en 1975), Christine Pascal (Félicité en 1979), Anna Karina (Vivre ensemble en 1973)… la plupart réalisent des films très personnels et marquants par leur sincérité.
Des années 80 à aujourd'hui : l'intégration de l'héritage des premières cinéastes et évolution de la création cinématographique féminine.
Après l'avènement en fanfare du début des années 70, les réalisatrices restent néanmoins très largement minoritaires. Pour donner quelques chiffres, sur 118 films sortis lors de la saison 1978/1979, 10 ont été réalisés par des femmes. En 2002, sur 143 films français, 27 émanent de la gent féminine. La part des réalisatrices passe ainsi, en un peu plus de deux décennies, de 8.5% à 18.9% de la production cinématographique.
Malgré cette sous représentativité en nombre, on peut dire que les films de femmes accèdent à une large diffusion et une importante notoriété, à l'égal de ceux de leurs homologues masculins. Certains vont même jusqu'à obtenir des succès publics considérables. Le meilleur exemple en est Trois hommes et un couffin de Coline Serreau qui atteint, en 1985, les 7 millions d'entrées. D'autres, même s'ils n'atteignent pas de tels sommets, obtiennent une belle reconnaissance. Pour en donner, en vrac, un bref panorama éclectique : Sac de nœuds de Josiane Balasko en 1984, Nettoyage à sec d'Anne Fontaine en 1997, Post coïtum, animal triste de Brigitte Roüan en 1997, La Nouvelle Eve de Catherine Corsini en 1998, Venus Beauté (Institut) de Tonie Marshall et Place Vendôme de Nicole Garcia en 1998 également, Beau travail de Claire Denis en 1999…
Certaines cinéastes vont jusqu'à soulever un vent de polémique sur le thème cinéma et féminité. C'est le cas de Catherine Breillat dont les films, atypiques, ont une place relativement à part dans le cinéma français. 36 Fillettes, en 1987, narre les vacances d'une jeune fille qui, par désoeuvrement, séduit un quadragénaire. Romance, en 1998, parle de l'interrogation et de la recherche d'une femme sur le terrain du désir et du plaisir. Tous ses films (ainsi que ses livres et ses propos) ont valu à Catherine Breillat une réputation assez sulfureuse et un positionnement plutôt particulier sur l'échiquier du cinéma au féminin.
A côté de films émanant de réalisatrices chevronnées apparaissent de jeunes cinéastes réalisant des premiers films remarqués : Laurence Ferreira Barbosa (Les Gens normaux n'ont rien d'exceptionnel en 1993), Sandrine Veysset (Y aura-t-il de la neige à Noël ? en 1996), Laetitia Masson (En avoir ou pas en 1995, A vendre en 1998, Love me en 2000, avec son alter ego à l'écran Sandrine Kiberlain), Valérie Lemercier (Quadrille en 1996, Le Derrière en 1998), Agnès Djaoui (Le Goût des autres en 2000)…
Et pour finir par quelques exemples parmi les 27 films de 2002 : Se souvenir des belles choses de Zabou Breitman (primé lors des derniers Césars), Cet amour-là de Josée Dayan, La Repentie de Laeticia Masson, Sex is comedy de Catherine Breillat, L'Adversaire de Nicole Garcia, Vendredi soir de Claire Denis, Parlez-moi d'amour de Sophie Marceau, Décalage horaire de Danièle Thompson, Au plus près du paradis de Tonie Marshall, Dans ma peau de Marina de Van, C'est le bouque ! de Jeanne Labrune… Vous avez dit films de femmes ?
Laurence
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