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s o m m a i r e
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Bilan 97/98/99
Miramax/Dimensions: 2 success stories
Films & Liens
2 success stories; Harvey et Bob
Il y a les Harveys et il y a les Bobs. Les Harveys sont des
gens qui s'emportent un peu vite, qui sortent beaucoup, qui adorent
être adorés, qui délèguent des tâches impossibles.
Les Bobs sont des êtres silencieux, solides, aimant les gens bizarres,
sont plutôt exclusifs et fidèles.
Les Harveys et les Bobs sont les employés à l'image de leurs patrons,
Harvey (Miramax) et Bob (Dimensions). Une entreprise conviviale,
avec des "boss" présents, ouverts, disponibles, connaissant leur
personnel.
La firme est basée à New York, loin de la frime Californienne.
Small is beautiful. Les studios font dans la quantité
(en budget, recettes et nombre de films). Miramax joue la qualité.
Les films ont du style, sont souvent des coups de coeur du public
dans les festivals, ils sont aussi plus originaux, audacieux.
Miramax joue les guides et même les cinémathèques en distribuant
des vieux films français. Ils sont hors mode, différents. Et ça
plaît. Leur logo a beau être ringard, les films qui suivent le
sont moins. Les critiques savent acclamer ces petits films sortis
de nulle part, même si le public parfois boude son plaisir. Mais
grâce à Miramax, un film japonais, italien ou français a des chances
de bien être distribué aux USA. Des succès certes modestes, mais
des sommets jamais atteints pour des films en langue étrangères
depuis le début de l'ère des blockbusters...
99 en stand-by. Mais le succès de Miramax a entraîné
une conséquence évidente: l'arrivée de la concurrence.
Outre New Line / Fine Line (le miroir de Miramax / Dimension),
les studios ont investi le marché dès le milieu des années 90.
Universal a racheté October (Breaking the Waves), Fox a créé Fox
Searchlight (The Full Monty), et Sony a constitué une filiale,
Sony Classics.
Sony a distribué des films comme Indochine et en 98/99, le studio
a acquis des chouchous de l'année (La vie rêvée des anges, Central
do Brasil, The General, Run Lola Run, Tango) et le prochain
Chen Kaige.
Cet affrontement en ligue mineure a entraîné une surenchère des
prix dans les marchés du film. Miramax en a parfois été responsables,
que ce soit à Sundance ou Telluride, Cannes ou Toronto. Ridicule
(Miramax) ou Doberman (Dimensions) ont été acquis pour un million
de $!
Cela explique pourquoi Sony ou October ont acheté des perles cette
année; Miramax n'a ni voulu surenchérir (le marché étant trop
étroit, il y aurait eu de la casse), ni détruire son stock déjà
bien fourni en se rajoutant des sorties.
le calendrier des salles de cinéma est déjà surchargé, d'où une
volonté de réduire l'offre en 99, tout en exploitant bien quelques
produits forts comme les oscarisables, Princesse Mononoke (en
faisant de lui le premier hit américain pour un manga), ou des
productions-maisons...
Made in Miramax. Depuis que Miramax a sauvé Le Patient
Anglais en injectant les dollars dans la production (la plus importante
jamais atteinte pour un indépendant), le studio acquiert moins,
produit plus, quitte à partager les coûts comme n'importe quel
studio. Il faut dire que les Paramount, Fox et autres DreamWorks
ne se gênent plus pour faire des films à stars et à gros budgets
avec des sujets habituellement réservés aux indépendants (The
Truman Show) ou une forme non conventionnelle (les 30 premières
minutes de Saving
Private Ryan, ou intégralement The
Thin red Line).
Les frontières entre indépendants et studios deviennent floues.
Même New Line en produisant Lost in Space ou Rush Hour
brouille les cartes.
Miramax se donne les moyens de faire de la qualité: 40 millions
de $ pour Shakespeare in Love, deal avec des cinéastes comme Tarantino...
Mais les budgets restent contrôlés: en moyenne les films Miramax-Dimensions
coûtent 14 millions de $.
Les films sortent souvent en circuit de salles limité dans un
premier temps. Mais certains sont vite commercialisés dans 2000
à 3000 salles. Notamment les produits de Dimension.
En 99 le groupe produira quelques films-événements (voir les
projets 99).
Dimension. Miramax comme Dimension sont très bien gérés,
chacun à leur façon. Mais si les films de Miramax sont rares à
produire des électrochocs dans le système (exceptions faites du
Patient Anglais et de Pulp Fiction), les films de Dimension perturbent
le marché. il ne faut pas confondre le label séries B (Dimensions)
avec les films catégories A (comme Art et Essai) de Miramax.
En naviguant dans l'univers gore et kitsch, culte et criard du
film de genres, Dimension, spécialisé dans les films d'horreur,
de science-fiction et d'action, ne cherchent pas les honneurs
mais veut toucher le portefeuille des ados. Dimensions est le
concurrent direct de New Line. C'est tout ce que ne fait pas Miramax,
films pour enfants et dessins animés mangas inclus.
Depuis quelques temps, Dimension ayant pris du poids, Bob Weinstein
achète des catalogues. On parle donc désormais de suites potentielles
comme Rambo 4 ou Total Recall 2, encouragé par les cartons de
Scream, et le succès de Halloween 20 ans après. Formules copiées
par Sony (Souviens toi l'été dernier).
Bob Weinstein a inventé un marketing pour ces films pop-corns:
grands nombres d'écrans, uniquement pour ados, humour dans le
script, voire auto dérision, sans compter les affiches classes
et sobres.
Limités à 30 millions de $ de budgets, Dimension ne perd jamais
d'argent avec ses films.
Les deux films les plus chers (From Dusk till dawn et Mimic) sont
aussi ses deux "flops".
Flash back Pour l'anecdote il faut savoir qu'Harvey est
un grand fan de cinéma européen, alors que la tasse de thé de
Bob c'est L'Exorciste. Quand Tarantino veut faire distribuer
Wong Kar-wai, il s'adresse à Miramax. Pour écrire From Dusk
till dawn ou présenter Robert Rodriguez, il va chez Dimensions.
Bob Weinstein a même écrit un scénario d'un film d'horreur gore,
produit par Harvey: The Burning, du style Scream rencontre Halloween,
avec notamment Holly Hunter dans son premier film!.
Pas étonnant donc qu'après une série d'acquisitions (commencées
par Halloween V), Dimension ait décidé de sa lancer dans la production
avec ... Hellraiser 3 (1992)!
Les deux font la paire. Mais les studios sont non seulement
complémentaires, mais surtout intelligemment intégrés.
Si Dimensions n'a pas besoin de sortir plus de 5-6 films par an
pour assurer son développement et ses revenus, contrairement à
Miramax qui devra développer toute son artillerie autour d'une
trentaine de films dans l'année, Bob Weinstein a aussi un autre
avantage: pouvoir faire des suites de certains films. Imaginez
une suite au Patient Anglais ou à Pulp Fiction...
Les deux nababs fonctionnent aussi différemment, ce qui leur permet
d'attirer des projets ambitieux radicalement opposés. Harvey contrôle
énormément la production d'un film, choisira d'après un scénario,
donnera sa chance à des jeunes cinéastes (souvent des premiers
ou seconds films), tout en s'entourant de castings prestigieux.
Bob préférera employer des réalisateurs expérimentés, et du coup
leur donnera une liberté totale (et le fameux final cut). Il fera
son choix sur un projet, un genre, et limitera les coûts en engageant
des vedettes de la télé, connues mais prêtes à sacrifier leur
cachet pour passer au grand écran.
C'est ainsi que Craven, Tarantino, Rodriguez, Arnofsky, et sûrement
Adrian Lyne et William Friedkin, font partie de la maison Dimension.
Grâce au duo, ces cinéastes créent sans pression et font ce qui
leur plaît; dès la signature de Scream, Craven demandait qu'en
plus de la trilogie Scream, il puisse concrétiser une oeuvre académique,
n'ayant rien à voir avec les films d'horreur. Il va réaliser 50
violins cette année.
La complémentarité ne s'arrête pas là: le succès de Dimension
tient avant tout dans l'expérience de Miramax. C'est parce que
Miramax a essuyé les plâtres dans l'art de mettre en marché des
films difficiles et pointus (Crying Game, Pulp, The Piano), que
Dimension a pu lancer Scream sur 2000 écrans et the Faculty sur
presque 3000.
Horizon 2000 Parce qu'ils sont devenus les rois des indépendants,
Miramax avait fait grimper les prix des petits films sur le marché,
attisés par une concurrence impitoyable. Aujourd'hui Miramax préfère
ne plus acquérir, ni Dimension d'ailleurs, ou en tout cas pas
à n'importe quel prix. Repli sage ou retraite imprévue?
Qu'on se comprenne bien, nous faisons ici un constat sur une réussite,
pas une critique sur une stratégie.
Mais on peut s'inquiéter. Miramax deviendrait-il un studio? Quel
impact cela aura sur les films étrangers en quête d'une distribution
équitable aux USA? Cette année, à part la reprise d'un Demy, Miramax
n'aura acquis aucun film français, se spécialisant davantage sur
les films indépendants américains ou quelques comédies européennes
(Little Voice, La vita è bella).
Souvent les films sont déjà primés ailleurs, limitant le risque.
Miramax et Dimension sont pourtant des avant-gardistes. Leurs
audaces ont réveillé les esprits hollywoodiens. La machine à idées
est repartie dans les studios. Désormais on s'intéresse aux films
à budgets réduits.
Pour Dimension, la prochaine étape sera les films pour enfants
ou les OVNIS étrangers pour jeunes (Mononoke, Doberman).
Pour Miramax c'est plus complexe.
Harvey, entre Cannes, St Bart' et New York, a tout: la reconnaissance,
l'admiration, la générosité, l'argent. Ses films sont récompensés
partout dans le monde. Il a tout essayé: les documentaires, les
films des années 60 (y compris celui des Beatles, A Hard Day's
night), les films amérindiens, un film japonais en plein saison
de blockbuster...
Harvey a même réussi à signer des deals amicaux et privilégiés
avec Sean
Penn (réalisateur), Woody Allen, Sharon Stone, Gabriel Byrne,
Harvey Keitel ou plus récemment Johnny
Depp (réalisateur).
Il peut aligner n'importe quel chiffre sur son carnet de chèque
pour acquérir un film iranien primé à Montréal, être présent à
la conférence de presse cannoise du film de Nick Cassavetes (She's
so lovely, aux côtés de John
Travolta), être personnellement remercié sur scène par Benigni.
Alors un nabab du cinéma que peut-il devenir?
La vie d'Harvey. Les ambitions de Miramax sont celles
d'Harvey Weinstein. Déjà présent sur le web avec son Miramax Café,
il a surpris tout le monde en rachetant un cinéma de New York,
rebaptisé Miramax Theater, pour mieux contrôler sa distribution.
Dans la même lignée, il s'intéresse au format IMAX. Il vient d'acheter
les droits vidéo et TV de Everest, et s'apprête à faire de même
pour T-Rex.
En cela il ne fait que suivre la stratégie de Sundance ou d'Alliance
(cinémas art et essai) ou celle de Sony (Imax).
Harvey ne se voit plus comme un simple producteur mais comme un
magnat du multimédia. Un nabab respecté qui contrôle les images,
mais peut se vanter de lire les meilleurs scripts du monde.
Aujourd'hui il a deux projets d'envergure nationale: une chaîne
de télévision sur le câble (une fois de plus la stratégie Sundance)
et un magazine haut-de-gamme style Vanity fair, The New Yorker.
Il a d'ailleurs débauché l'éditrice du New Yorker, Tina Brown,
pour créer cette nouvelle entité chargée de produire des films,
des programmes TV et donc ce mensuel.
Une décision qui laisse perplexe le monde de l'entertainment.
Une folie de trop?
Ou au contraire l'ultime aventure des audacieux et ambitieux frères
Weinstein...?
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