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Critique

ANNEAUX AMOURS

"Il y a ici la moitié des gens que je ne connais pas et l'autre moitié que j'aurais pu mieux connaître..."

La critique sera inversement proportionnelle à la longueur du film. Non pas que nous ne souhaitons pas argumenter ; mais d'une part, il ne faut pas trop en dévoiler et d'autre part il ne s'agit que du premier des trois épisodes. En effet, nous pouvons considérer, pour une fois, que nous n'avons pas vu un film en entier. Mais les trois heures de ce spectacle grandiose suffisent à entrevoir l'ensemble d'une trilogie qui s'avère exceptionnelle en tous points de vue.
Il faut noter que les thèmes de Tolkien sont contemporains et que le cinéaste néo-zélandais en a fait un film complètement moderne. Certains reprocheront certaines envolées lyriques de caméra, comme on critiqua Cameron admirant son propre Titanic. Justement, ce qui fit la force de Titanic était bien l'écho qu'il renvoyait à notre fin de siècle épris de technologies, esclave du progrès, aveugle à l'absurde de son existence. De la même manière, Jackson reste fidèle à Tolkien en défendant l'écosystème, en prônant la paix, en attaquant le fascisme et en constatant le carnage du clonage, pour ne citer que quelques exemples.
Peter Jackson aura eu raison d'avoir conservé la foi en cet immense projet, d'en avoir gardé les rênes jusqu'au bout et loin d'Hollywood, et enfin d'avoir assumé chacun de ses choix. La direction artistique voit son perfectionnisme aboutir à des décors, costumes, maquillages et détails de la vie plus que réalistes. Les Hobbits ont un quotidien que l'on peut comprendre, chaque race a son propre environnement cohérent... Tous les acteurs ont le physique de leur personnage, et contribuent à une psychologie juste et subtile. Du choix pertinent d'Elijah Wood, fragile et déterminé, à l'évidence de Sir Ian Holm ou la dignité de Sir Ian McKellen, l'interprétation apporte une dimension réelle à cette histoire fantastique. Leur talent, souvent forgé aux rôles shakespeariens, rajoute une densité, une humanité, qui se révèle généreusement dans les plans les plus essentiels et les plus cruels : la fin de l'innocence, la mort fatale, l'avidité... Les effets spéciaux permettent d'atteindre ce perfectionnisme (différences de taille entre Hobbits et Magiciens, statues gigantesques dans des paysages naturels). A ce titre, techniquement, le film est époustouflant de créativité et respecte, fidèlement ou par clins d'|il, l'univers surréaliste imaginé par Tolkien. La véritable force du film pourtant réside dans le scénario. Ce type d'aventures, qui croisent les films basés sur la Mythologie grecque ou les Sagas mythiques à la Lucas, ne peuvent reposer simplement sur de bons effets visuels, vite datés, ou une direction artistique, illustrant en images mouvantes ce qu'on avait pu lire.
Le film est une réussite, parce qu'il s'adresse tant aux connaisseurs de l'oeuvre littéraire qu'aux néophytes. Il ne perd aucun spectateur en chemin, malgré la complexité de l'histoire, la nécessaire synthèse de multitudes d'événements et de descriptions. Il résume très bien les tempéraments des communautés (on peut juste regretter l'absence de réelle animosité entre Légolas et Gimli) et les enjeux de chaque espèce, les destins de chaque personnage. Cela en fait une grande histoire de cinéma : romanesque, épique, légendaire, ... avec des personnages attachants. Dès le départ, on plonge dans l'inconnu : l'écran noir et une voix off ; puis une sanglante et sombre bataille qui contrastera avec le bucolique et paisible village des Hobbits. On ressent les complicités, les amitiés, les rancoeurs, les ambitions en quelques séquences. L'action et l'émotion coexistent dans la plus grande des harmonies, passant du rire à la peur, d'une poursuite à cheval haletante et magnifique au déracinement déchirant d'arbres centenaires. Le vertige de certains angles de vue le dispute au suspens d'un montage qui ne laisse aucune chance au cinéphile, captivé. D'un simple traitement de la lumière ou de manipulation du cadre, Jackson parvient à transmettre des lignes de textes et d'impressions vécues à la lecture du livre.
Il s'agit bien d'un film parmi les trois ; la conclusion amène à l'opus deux, tout en rêvant soit même de la suite. Mais nous n'assistons pas à la fin d'une oeuvre qui nous a enthousiasmé individuellement, transporté cinématographiquement. La frustration d'avoir quitté ce monde parallèle en cours d'itinéraire en dit long sur le désir de voir les deux autres films...

Vincy