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SAIT-ON JAMAIS POURQUOI ON FAIT UN FILM?
Pourquoi on fait celui-ci plutôt que celui-là. Finalement je n'en sais rien. Et pour être franc encore, il y a déjà un moment que j'ai cessé de me poser la question. Parce que j'ai enfin compris qie les raisons qu'on se trouve pour faire les choses, bonnes ou mauvaises d'ailleurs, vont presque toujours à l'encontre du simple plaisir. Et si le cinéma, après tout, n'était qu'une affaire de plaisir...
Par exemple, "La Fille sur le Pont", je ne sais pas pourquoi précisément j'ai fait ce film. Je sais que je l'ai fait, c'est tout. Je sais aussi que ce simple verbe, "faire", est en train de devenir mon verbe préféré. Quand on ne manquera pas de me demander pourquoi avoir tourné en noir et blanc, je n'aurai aucune raison logique à fournir. Je pourrais répondre que c'est pour faire parler les bavards, ou bien parce qu'il y avait trop de couleurs dans le dernier, mais ce serait des pirouettes bien légères. Non, j'ai eu envie du noir et blanc parce qu'il y avait là comme une évidence que je n'avais pas besoin de justifier davantage. Aujourd'hui je suis incapable de penser ce film en couleurs.
Quand, avec Serge Frydman, nous avons imaginé les personnages d'Adèle et Gabor, ce sont eux seuls qui ont dicté l'histoire. Ce sont eux qui, habités par leurs émotions, ont tenu le stylo, inspiré les scènes, réglé leur destinée. Les véritables scénaristes des films ce sont les personnages de ces films.
Et quand on a la chance de donner vie à ces personnages avec des acteurs tels que Vanessa Paradis et Daniel Auteuil, alors on devient le metteur en scène le plus heureux du monde. Parce que vous n'imaginez pas le bonheur qu'il y a à faire du cinéma avec eux. Tout devien plus facile. Chaque plan frémit de leurs propres frémissements. Chaque scène s'illumine de leur propre lumière.
Mais je m'emballe... Après tout, "La Fille sur le Pont" ça n'est qu'un film. Mais si vous saviez comme je l'aime.
Patrice Leconte, notes du réalisateur
Coulisses d'un film en noir et blanc
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