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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Agat
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Production : Film oblige, Agat films & Cie, Arte France cinéma Distribution : Pathé Réalisation : Robert Guédiguian Scénario : Gilles Taurand, Georges-Marc Benhamou (d'après son livre) Montage : Bernard Sasia Photo : Renato Berta Format : 1.66, Dolby SRD DTS Décors : Michel Vandestien Son : Laurent Lafran Maquillage : Maytré Alonson Pedron Durée : 117 mn
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Michel Bouquet : le Président
Jalil Lespert : Antoine Moreau
Phillippe Fretun : Docteur Jeantot
Anne Cantineau : Jeanne
Sarah Grappin : Judith
Catherine Salviat : Mado
Jean-Claude Frissung : René
Philippe Lemercier : le garde du corps
Geneviève Casile : l'amie de la Résistance
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Le Promeneur du Champ de Mars
France / 2005
16.02.05
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Rares sont les cinéastes français qui se sont permis de choisir pour personnage de leur film un Président de la République. Il y a bien eu De Gaulle dans L'Armée des Ombres (Melville), le film de Verneuil (Le Président) ou un clone de Mitterrand dans Le Bon Plaisir (Girod), quelques hommes de dos dans un bureau (Opération Corned Beef, quelques Belmondo). On pourrait rajouter quelques documentaires politiques (notamment Giscard par Depardon). Mais le cinéma frenchy, très dépendant des subventions publiques, peu apte à analyser une Histoire récente que les médias censurent insidieusement (vous avez appris la Guerre d'Algérie vous au Lycée?), ne se risque pas trop sur ce terrain miné contrairement à Hollywood (combien de pseudo Clinton, de Nixon, de Kennedy au cinéma?).
Autant dire que ce Promeneur du Champ de Mars, en compétition officielle au Festival de Berlin cette année, est un événement politique et cinématographique. Mitterrand avouait : "Il faut mépriser l'événement et avoir la passion de l'indifférence." Pas sûr que tout ce brouhaha lui aurait, cependant, déplu. Car là c'est bien un Président en exercice et une partie de sa vie qui est reprise. Il faut dire que le surnommé "Tonton", lui-même romancier, est un personnage de roman, commençant sa carrière dans les années 40 sous le régime de Vichy, passé résistant (et même prisonnier), ministre dès 1947, opposant à De Gaulle (qu'il parvient à mettre en ballottage en 1965), réussissant l'incroyable en 1981 (être le premier Président élu par la gauche). De là, lors de ses 14 ans de pouvoir on retiendra, côté positif, l'abolition de la peine de mort, la légalisation de l'homosexualité, la création du RMI, la réconciliation à Verdun avec l'Allemagne, la libération des radios, la création de Canal + puis de deux chaînes privées, la loi de décentralisation, les grands travaux qui transformèrent le Louvre (entre autres), les accords de Nouvelle Calédonie, les accords et le référendum de Maastricht (avec la création de l'euro), les premiers pas de la Défense européenne, une politique culturelle offensive, l'entrée de l'Espagne et du Portugal dans l'Union Européenne ... Il ne faut pas oublier quelques discours phares : Cancun, Inde, Liévin, l'ONU... notamment sur les rapports Nord/Sud ou la lutte des classes. Le bilan est, somme toute, mitigé, confondant la personnalité ambiguë du Président et les errements de son entourage, sans oublier quelques erreurs politiques et une impuissance face à l'économie. "François Mitterrand a incarné la possibilité du socialisme en France et en Europe, au moment même où les pays socialistes s'effondraient dans le monde entier. Il a, qu'on le veuille ou non, qu'elles qu'aient été, dans son destin, les parts de conviction et d'ambition personnelle, rendu le rêve socialiste crédible pendant une longue décennie" explique Robert Guédiguian sur son personnage.
Il a, pour s'interroger sur notre époque à travers son outil, adapté le livre controversé (et contesté par l'entourage du Président), publié en 1997, "Le dernier Mitterrand", de Georges-Marc Benhamou, créateur du magazine Globe. L'écrivain a écrit plusieurs livres sur Mitterrand ("Mémoires interrompus", "Jeune homme, vous ne savez pas de quoi vous parlez").
La fiction est librement adaptée, précise Guédiguian. "Par ailleurs, il permettait de développer en toute liberté le personnage du jeune journaliste dans lequel je pouvais m'investir face à un personnage plus contraignant par définition parce que historique. Enfin et surtout, le livre contenait l'idée d'un "compte à rebours" face à la maladie et à la proximité de la mort. Le Promeneur du Champ de mars tient tout entier dans la conversation-relation entre ce jeune homme en quête de certitude et ce vieil homme saisi d'effroi devant sa prochaine disparition. Par ailleurs, le désir de m'éloigner de mon sentier battu me titillait depuis longtemps. Non pas que j'éprouve les moindres gêne ou empêchement à y cheminer mais... La curiosité... Il fallait pour cela un enjeu à la mesure de cette curiosité, un sentier très différent. C'est Frank Le Wita qui m'a proposé ce film, assorti de la présence de Michel Bouquet . Et si le film est une fiction sur François Mitterrand, c'est aussi un document sur l'art de Michel Bouquet ."
Le cinéaste justifie plus qu'un choix. "Comme s'il savait qu'il joue et le montre. C'est l'acteur majeur de la théâtralité, ce qui est important pour incarner un personnage qui a fait de sa vie une cérémonie publique, une majesté rituelle. Mitterrand savait lui-même toujours qu'il était en représentation, et maîtrisait cela à la perfection. Une tenue, une stature, une manière de se poser, de se tenir, de placer ses mains... Un port aristocrate et rustique, terrien. Tout ce que Bouquet partage avec Mitterrand." Pas de mimétisme. L'acteur s'explique ainsi dans Le Monde : "Le jeu, c'est l'absence du jeu, se retenir de jouer. François Mitterrand était très intelligent ? Je n'avais donc pas besoin de l'être! Quand j'étais professeur, je disais toujours aux élèves que la grande fonction d'un acteur, c'est d'être vide ! Il faut se remplir du personnage qu'on vous donne à faire, et le faire vôtre ! C'est l'auteur et le personnage qui vous font agir. Donc ce n'est pas ce que je pense qui est intéressant, c'est ce que je contribue à révéler !"
Grand homme de théâtre (récemment Ionesco avec Le Roi se meurt, mais aussi Camus, Becket, Blier, Pinter, Molière, Obaldia, Anouilh...), le césarisé Michel Bouquet a eu un parcours étrange au cinéma. Passant de Truffaut (La mariée était en noire, La sirène du Mississipi) à Resnais ou Chabrol (Poulet au Vinaigre), de Boisset à Deray (Borsalino), de Verneuil à Veber (Le Jouet)... C'est souvent dans des rôles de bourgeois pas forcément sympathiques qu'il fut brillant avant d'explorer sa facette plus naïve ou plus inquiétante. Tous les matins du monde, Toto le héros, Comment j'ai tué mon père sont une belle trilogie pour une carrière qui n'en finit pas de s'embellir. On lui a opposé une valeur montante du cinéma français, Jalil Lespert, révélé par Laurent Cantet (Ressources humaines), jeune premier chez Resnais, passant de Maillot à Jacquot, de Sinapi à Beauvois.
Ces deux acteurs n'avaient jamais tourné avec Robert Guédiguian, qui abandonne sa famille naturelle. A 51 ans, le cinéaste sort d'un échec sévère (Mon père est ingénieur) après un joli succès (Marie-Jo et ses deux amours). Mais ce Promeneur risque d'être son plus important succès depuis Marius et Jeanette (Cannes 1997, déjà).
Le film a été tourné li y a un an, dans un laps de temps assez court (8 semaines), entre le Château de Champ-sur-Marne (à l'Est de Paris), construit par le même architecte que celui du Palais de l'Elysée. Du Pas-de-Calais au Champ de Mars (Mitterrand logeait près de la Tour Eiffel dans ses derniers jours), le film s'est baladé. Du livre, le scénariste Gilles Taurand (la plupart des Téchiné) n'a pas gardé énormément d'éléments. Il ne s'agissait pas de reconstitution mais de recréation. Pas de stratégies, ni de carnet de route. Pour cela il faudra lire les essais de ses anciens collaborateurs ou le fameux triple volumes Verbatim de Jacques Attali. Ils ont donc "retracer une langue si particulière, à la fois très littéraire et pleine de sous-entendus." Aussi ce "film de conversations", ils ont repris les discours, les lettres, les écrits, des archives pour comprendre le langage mitterrandien. Pas d'ortolans au dîner.
De quoi ne pas effaroucher la Mitterrandie. Le film a été fait avec respect, pas avec l'envie de restituer. "Il y a dans le film une certaine sympathie, mais pas d'idolâtrie. On peut légitimement admirer Mitterrand, quand il parlait par exemple. Aujourd'hui, quand j'essaye d'écouter Sarkozy à la télé, au bout de dix minutes je me lève et je vais chercher un Coca. Avec Mitterrand, je restais", rappelle Guédiguian.
Les médias se sont jetés sur la sortie, trop heureux de faire le lien avec l'actualité (le procès des écoutes), de réveiller une nostalgie, de faire revivre une glorieuse époque (les années 80, plus que les années 90), de revoir le bilan. Les Français, dans un sondage publié dans Le Figaro (journal de droite), tirent un bilan positif des mandats de Mitterrand (60%), jugeant l'homme cultivé, politicien, volontaire, mystérieux. Le film ne s'est pas trompé. vincy
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