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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Sony
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Production : UA, Sony Pictures Classics, A-Line pictures, Cooper's Town, Infinity Media Distribution : Gaumont Columbia TriStar Réalisation : Bennett Miller Scénario : Dan Futterman, d'après le livre de Gérald Clarke Montage : Christopher Tellefsen Photo : Adam Kimmel Décors : Jess Gonchor Son : Ron Bochar Musique : Mychael Danna Durée : 110 mn
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Philip Seymour Hoffman : Truman Capote
Catherine Keener : Nelle Harper Lee
Clifton Collins Jr : Perry Smith
Chris Cooper : Alvin Dewey
Bruce Greenwood : Jack Dunphy
Mark Pellegrino : Dick Hickock
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Capote
USA / 2005
05.03.06
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5 nominations aux Oscars : film, réalisateur, scénario, second rôle féminin et acteur. Une statuette : le comédien Philip Seymour Hoffman personnifiant à la perfection Truman Capote. Le film a d'ailleurs obtenu une sorte de monopole dans la catégorie du meilleur acteur. Ce serait, cependant, oublié qu'il a eu ici et là d'autres prix : Catherine Keener en second-rôle féminin (à Los Angeles, Dallas, Toronto et Boston), le scénariste Dan Futterman (à Los Angeles) et plus étonnant pour un premier film, mais pas forcément après avoir vu le dit film, le réalisateur. Bennett Miller, non content d'être nommé aux Oscars et aux British Awards, a reçu les honneurs de la critique de Chicago (meilleur espoir), de New York et Toronto (meilleur premier film), en plus d'une citation à la Director's Guild Awards (aux côtés de Ang Lee et Steven Spielberg). Et en guise de sacre, les Independant Spirit Awards ont primé le film pour l'interprétation masculine, le scénario et la production. Un budget de 7 millions de $ qui a déjà triplé la mise aux Etats-Unis. 36 jours de tournage seulement et une sortie américaine calibrée pour la date anniversaire du fameux Capote. Bref une "success story" comme on peut les aimer pour un bon film. Pourtant, qui connaît Truman Capote?
La vie de Capote en cinq étapes
Difficile de résumer. En quelques mots : Truman Streckfus Persons, né le 30 septembre 1924 en Louisiane, d'un petit escroc et d'une jolie sudiste vite insatisfaite. À 6 ans, le gamin est envoyées chez ses cousins, et notamment la vieille fille Sook, qui devient sa seconde mère. Surtout il y rencontre Harper Lee, sa meilleure amie de toujours, et pas n'importe qui. Future écrivain, elle aussi, elle rédigera un best seller : "To kill a Mockingbird" (Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, adapté au cinéma sous le titre Du silence et des ombres, avec Gregory Peck qui obtiendra alors un Oscar). Dans le roman, le personnage de Dill n'est autre que Capote : "Il était une sorte de Merlin de poche, dont la tête fourmillait de plans excentriques, d'étranges désirs, et d'idées fantasques."
Déménagement à New York avec sa mère en pleine crise économique; elle y épouse un cubain du nom de Joseph Capote. Celui-ci l'adopte et le place dans une école privée huppée. Juste avant la guerre, en pleine adolescence, la famille migre vers la banlieue cossue de Greenwich, entre New York et chic Nouvelle Angleterre, pour revenir, durant la guerre, en plein centre de Manhattan. Il décroche alors son premier job à la rédaction du magazine branché, The New Yorker. Il assumait déjà son homosexualité, devenait rapidement la coqueluche des salons. Mais, bizarrement, ce n'est pas The New Yorker qui éditera ses histoires mais les magazines féminins de type Harper's Bazaar (* bibliographie en fin de texte). Premier roman publié en 1945. Sa mère sombre dans l'alcool. Il reçoit une bourse pour aller à Yaddo, havre communautaire pour artistes. Il y rencontre le premier homme de sa vie, Newton Arvin, professeur de littérature et auteur d'une brillante biographie d'Herman Melville, âgé de 45 ans quand Capote vient juste d'entrer dans sa vingtaine. Amant et figure paternelle, "son Yale et son Harvard".
Ecrivain prometteur dans une New York en pleine effervescence - en art comme en littérature elle devient la capitale mondiale de l'après-guerre - l'homme n'en est pas moins tourmenté : "la solitude qui afflige ceux qui ne sont ni stupides ni insensés, la dimension sacrée de l'amour quelle que soit sa forme, la déception qui suit invariablement les attentes les plus fortes, et la perversion de l'innocence" décrivait son biographe Gérald Clarke. En 1948, Capote croise le compagnon de sa vie : Jack Dunphy, lui aussi écrivain. Passent leurs étés en Europe, la plupart du temps. Il écrira les dialogues d'un film de Vittorio de Sica (Stazione Termini, 1952), collaborera au scénario d'un John Huston (Beat the Devil, 1953), avec Bogart et Lollobrigida. Lui considérait que son meilleur scénario était Innocents, de Jack Clayton, thriller d'horreur avec Deboraj Kerr (en 1961). De nombreux de ses romans ou nouvelles seront adaptés pour le grand écran, la plupart dans les années 90 sous forme de téléfilms ou de productions indépendantes oubliées. L'histoire et les cinéphiles n'en retiendront qu'un seul : Breakfast at Tiffany's (Diamants sur canapé), comédie de Blake Edwards. Le roman est un best seller en 1958, le film un joli succès en 1961. Non seulement Audrey Hepburn (Capote aurait préféré Marilyn parait-il pour le rôle) y est sublime (clin d'oeil dans Rois et reine avec la première séquence où apparaît Emmanuelle Devos) mais en plus Mancini crééra un classique de la chanson, "Moon River" (qu'on entend dans La mauvaise éducation a capella).
C'est donc au sommet de sa gloire, même si avec ses pièces de théâtre et comédies musicales il aura moins de chance, qu'il va tomber sur un article du New York Times. Nous sommes en novembre 1959. Il avait déjà tâté du journalisme : le voyage d'une troupe de Porgy and Bess en Union Soviétique, un portrait de Marlon Brando (pas franchement apprécié par la star)... Les meurtres de la famille Clutter en plein Kansas vont lui prendre six ans de sa vie. Il fêtera la fin de son labeur par l'une des fêtes les plus mémorables de l'histoire mondaine de New York. Mais l'écriture même du roman le pousse à boire et prendre des médicaments. Et annonce sa destruction. "De sang froid" amorce surtout un genre inédit en littérature, mélange de fiction et de reportage, d'écrivain et de journaliste. Le roman de non-fiction ou roman vérité. Ou comment mettre les techniques de la fiction au service d'une réalité. Richard Brooks en fit un film très réussi (quatre fois nommé aux Oscars de 1968), Jonathan Kaplan un feuilleton télé en 1996. jamais Capote n'apparaît explicitement dans ces versions, malgré son rôle indiscutable dans l'affaire. Clarke explique aussi pourquoi la publication de "In cold blood" a tout changé : "Dans certaines vies, il est des moments, qui, avec le recul, peuvent être vus comme définissant le début d'un envol ou celui d'un déclin. Pour Capote, "De Sang Froid" renfermait les deux."
Devenu incontestablement populaire, on attendait de lui la suite. il promettait un livre de l'ampleur des oeuvres de Proust ("Prières exaucées"), rien que ça. Un premier chapitre sort en 1975 (neuf ans pour un chapitre), déplaisant à certains de ses amis, et pas les moins puissants, s'y reconnaissant. Certains ne lui pardonnent pas ce mélange incongru. Celui qui tutoyait les stars d'Hollywood est rejeté par la haute société qui l'aimait tant quelques années avant. Il boit, se drogue, finit ses soirées au sulfureux Studio 54, multiplient les histoires homos sordides et éphémères. Il déprime mais écrit encore : des nouvelles, surtout, incapable d'aller au delà, apparemment, et s'éclipse, ironiquement, à Los Angeles, en 1984, juste après les Jeux Olympiques.
Sans pitié (?)
Jean-Marie Le Cléézio écrit à propos du livre "De Sang Froid" : En écrivant "De Sang froid" (on pourrait dire avec plus d'exactitude : en vivant "De Sang froid"), Truman Capote a participé à cette même découverte d'une réalité totale, indéformable et inépuisable. Mais il n'a pas déchiffré cette réalité avec les mêmes moyens que Lewis. Il est allé, semble-t-il, à la fois plus loin et plus profond. Le magnétophone demandait un terrain stable, une immobilité, un fait accompli. C'est un appareil de photographie dont Lewis s'est servi pour faire le portrait d'une famille dans une pose commandée. Truman Capote, au contraire, a exploré avec tout son corps et toute son âme un tourbillon, une action en marche. Il a été à la fois la caméra et le magnétophone, et mieux qu'aucun instrument de mesure, il a suivi le courant d'une aventure, il y a participé, il s'y est trouvé compromis, impliqué. Il a été meurtri, il a été passionné, il a souffert et vécu durant chaque minute l'histoire qu'il voulait écrire. C'est d'abord avec sa vie qu'il a écrit." Le livre décrit les meurtres de Herb, Bonnie, Nancy, Kenyon Clutter, famille fermière du Kansas. Les auteurs de ces crimes, Richard Hickock et Perry Smith, 28 et 31 ans, étaient déjà un peu dérangés : le premier sociopathe, légèrement pédophile, a passé plus de temps en prison qu'en dehors, courrait après des chiens... le second, de sang Cherokee, a connu les orphelinats, et moins sa mère, alcoolique, dormait mal à cause de ses cauchemars violents. Condamnés rapidement, en mars 1960, ils ne seront pendus qu'en avril 1965. Pour le "bonheur" de Capote qui, plutôt que de défendre l'abolition de la peine capitale après avoir tant côtoyer et affectionner ces meurtriers, et notamment Smith, souhaitait cette pendaison pour que son livre s'achève parfaitement, dramatiquement, moralement.
Outre toutes les adaptations des oeuvres de Capote et ce film de Miller, l'auteur a souvent été représenté : en Lionel Twain dans la comédie de Neil Seimon (Murder by Death), incarné par Robert Morse dans un One-Man Show, Tru (qui reçu plusieurs prix), dans 54, film sur la célèbre boîte, joué par Louis Negrin. Mais on retrouvera surtout Capote et son amie Harper Lee dans Infamous, film de Douglas McGrath (Nicolas Nickleby, Emma), avec Sandra Bullock (en Lee), Sigourney Weaver, Daniel Craig (dans le rôle du tueur Smith) Jeff Daniels, Gwyneth Platrow, Isabella Rossellini et Toby Jones en Capote.
* Bibliographie:
Les domaines hantés (1948)
Un arbre de nuit (1949)
Local colour (1950)
La harpe d'herbes (1951)
Les muses parlent (1956)
Petit déjeuner chez Tiffany (1958)
De sang froid (1966)
Musique pour caméléons (1980)
Prières exaucées (1986)
et aussi : Cercueils sur mesure, Un été indien, Portraits et impressions de voyage; Entretiens, Les chiens aboient, L'invité d'un jour vincy
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