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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Production : Fidélité, Bankable Distribution : Mars distribution Réalisation : Laurent Tuel Scénario : Christophe Turpin Montage : Valérie Deseine Photo : Denos Rouden, AFC Décors : Arnaud de Moléron Son : Olivier le Vacon Musique : André Manoukian Costumes : Pascaline Chavanne Maquillage : Michelle Constantinides Durée : 90 mn
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Johnny Hallyday : Jean-Philippe
Fabrice Luchini : Fabrice
Guilaine Londez : Babette
Antoine Dulery : Chris Summer
Elodie Bollée : Marion/laura
Olivier Guéritée : Laurent
Jackie Berroyer : Le professeur
Caroline Cellier : Caroline
Barbara Schul : Gabrielle
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Jean-Philippe
France / 2005
05.04.06
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Au départ, il y a un homme passionné par la science fiction, Christophe Turpin, qui est fasciné par la théorie des mondes parallèles, selon laquelle, sur la base d'un continuum espace-temps linéaire, plusieurs réalités pourraient se dérouler parallèlement, comme des strates. "J'ai bien aimé l'idée d'une réalité qui pourrait être semblable, à quelques détails près…, explique-t-il. "Après avoir vagabondé un peu, j'en suis rapidement venu à me demander ce que changerait l'absence de Johnny dans notre vie. Il est, dans notre pays, le seul individu qui depuis des générations, réunit tout le monde, au-delà des barrières sociales. De ses fans les plus purs à ceux qui ne connaissent que quelques-unes de ses chansons, il est connu de chacun et plus que tout, bénéficie d'une affection quasi unanime. Johnny, on a tous l'impression de le connaître."
Laurent Tuel, le réalisateur, et Christophe Turpin se connaissent depuis des années et avaient déjà eu envie de travailler ensemble. Aussi, quand le scénariste expose son idée au réalisateur, ce dernier est tout de suite emballé. "Mais je savais aussi que le principal intéressé refusait systématiquement les rôles de rock star, de chanteur, et à plus forte raison tout ce qui pouvait avoir trait à son propre personnage"…, précise-t-il. "L'interprète du fan était l'autre clé du film. Depuis le début, j'étais convaincu que Fabrice Luchini était la bonne personne. J'étais certain qu'il n'y avait que lui pour donner assez de folie, d'intensité, de complexité à ce personnage incroyable. Il joue un Français moyen, père de famille, fan de Johnny, qui se trouve précipité dans un monde où son idole, son repère, sa lumière, n'existe pas. C'est assez loin du répertoire de Fabrice, mais nous étions nombreux à penser qu'il serait fabuleux. D'autre part, l'idée de confronter Johnny et Fabrice était en soi réjouissante. Bien qu'ayant de nombreux points communs, ils n'ont ni le même registre, ni la même image, ni le même public. J'étais sûr qu'autour de cette histoire, leur rencontre serait explosive."
"Jean-Philippe n'était pas pour moi."
Voilà donc un projet de film que tout le monde s'entend à trouver excitant, mais qui repose avant tout sur deux acteurs… qui, eux, refusent d'y participer ! Fidèle à ses principes, Johnny voit d'un mauvais œil ce rôle qui non seulement touche à la musique mais en plus s'inspire de sa propre vie. "Quand je suis musicien et chanteur, c'est à part entière," explique-t-il. "Même chose lorsque je suis acteur. Alors forcément, a priori, Jean-Philippe n'était pas pour moi." Malgré tout, il accepte de lire le scénario et se laisse convaincre par le rôle. Après tout, il n'incarne pas Johnny Hallyday, mais Jean-Philippe Smet, que personne ne connaît…
"C'est l'histoire d'un homme normal qui n'est pas devenu ce que je suis. Il fallait oublier l'apparence et ce que les gens imaginent de moi pour être celui qui porte mon vrai nom mais n'est jamais devenu chanteur. Le fait qu'il porte mon vrai nom et que les détails du début de sa vie soient les mêmes que pour moi était évidemment intéressant et créait un décalage. Jean-Philippe, c'est celui que j'aurais pu devenir si je n'avais pas chanté."
Après l'accord de Johnny, les choses ne se simplifient pas pour autant, car il est décidé lui aussi à imposer Fabrice Luchini dans le rôle du fan. "Ce rôle lui était
prédestiné. S'il n'avait pas pu le jouer, je n'aurais pas fait le film. Il a pourtant d'abord refusé le projet lui aussi ! C'est sa fille, Emma, qui l'a convaincu de le relire et il a accepté. Sans lui, ce film n'existerait pas." Fabrice Luchini, en effet, a des doutes sur le scénario, notamment l'idée de départ, l'existence d'un monde sans Johnny. Et puis il change d'avis et rejoint le projet. Laurent Tuel et Christophe Turpin tiennent leur film.
"Chanter Johnny devant Johnny !"
"Entre Johnny et Fabrice, j'ai senti une grand complicité", avoue Laurent Tuel. Il faut dire que les deux hommes, contrairement à ce que l'on pourrait peut-être penser, se connaissent très bien. Il se sont rencontrés en 1986, sur Conseil de famille de Costa-Gavras où Luchini, encore débutant, tenait un petit rôle. "Nous discutions, quand un journaliste est venu le voir. Johnny lui a demandé d'attendre que nous ayons terminé notre conversation pour lui répondre. La première qualité de Johnny Hallyday, c'est la délicatesse", se souvient l'acteur qui avoue par ailleurs se sentir assez proche du chanteur. "Son répertoire a jalonné toute ma vie. Nous sommes nés à quelques pâtés de maisons l'un de l'autre, dans le neuvième arrondissement. Nos goûts musicaux se ressemblent. J'adore le blues, celui de Wilson Picket, James Brown, Otis Redding, Aretha Franklin..."
Dans Jean-Philippe, Fabrice a plusieurs occasions de prouver qu'il maîtrise le répertoire du chanteur, puisque c'est lui qui reprend les refrains de ses plus célèbres tubes. "Chanter ses chansons devant lui restera un souvenir incroyable. Six mois [avant le tournage], nous avions passé une soirée ensemble et je lui avais tout chanté jusqu'à quatre heures du matin ! Il était mort de rire ! J'avais envie depuis des années de lui montrer comment je chantais du Johnny ! Maintenant, je sais que je ne chante pas aussi
bien que je le croyais, mais le plus impressionnant, c'est de se trouver devant lui, de savoir qu'on va être vu par lui. Chanter Johnny devant Johnny ! C'est surréaliste, grotesque, tellement énorme qu'on ne peut plus se permettre d'avoir de la pudeur. Il faut y aller à fond !"
"Je l'avais déjà vu ‘chanter’ mes chansons, renchérit Johnny Hallyday. Je l'ai vu monter sur une table en public, saisir une bouteille comme un micro et m'imiter. Ce rôle lui était prédestiné. Lorsqu'il interprète mes chansons, Fabrice se lâche vraiment et c'était génial. Lors de notre première scène, il s'est même roulé par terre, il continuait entre les prises ! Jamais je n'avais entendu chanter ‘Que je t'aime’ de cette façon ! J'en ai maintenant une autre vision. Fabrice a chanté comme un fan pourrait le faire, sans essayer de m'imiter. Il se lance avec toute l'énergie que peut apporter un fan quand il interprète les chansons de son idole ! "
Fan attitude
Après Podium de Yann Moix (auquel il fait un clin d'œil) et Backstage d'Emmanuelle Bercot, Jean-Philippe s'inscrit à sa manière dans la lignée des films consacrés à la "fan attitude". Le fan, ici, ne cherche pas à ressembler à son idole, ni à en faire son meilleur ami. Il se contente de savoir que Johnny existe et se satisfait amplement de sa collection et des disques qu'il écoute en boucle. C'est la disparition de Johnny qui lui est insupportable et le pousse soudainement à l'action. Il est alors prêt à tout pour le faire exister à nouveau, mais sans jamais être tenté de se prendre pour lui.
Une fois au contact de son idole, passé la première surprise, il se comporte comme un fan pétri d'admiration (comme en témoignent la scène de la rencontre, la description qu'il fait de Johnny à sa femme et son attitude de "mère poule" envers le chanteur) mais joue les pygmalions avec une véritable abnégation. La relation qui unit les deux hommes se mue très rapidement en amitié débarrassée de tout rapport de force, de toute tentation "vampirique". Au final, le personnage interprété par Fabrice Luchini recrée un Johnny à l'identique sans chercher à le remodeler à son idée ni jamais profiter de l'avantage flagrant qu'il a sur lui. La "fan attitude" vue par Laurent Tuel et Christophe Turpin est plutôt bon enfant, quoique exacerbée. MpM
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