Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24


  

Production : Peter Fudakowski
Distribution : MK2
Réalisation : Gavin Hood
Scénario : Gavin Hood
Montage : Megan Gill
Photo : Lance Gewer
Décors : Emelia Weavind
Son : Shaun Murdoch
Musique : Mark Kilian, Paul Hepker
Costumes : Nadia Kruger, Pierre Vienings
Maquillage : Tania Brooke
Durée : 94 mn
 

Presley Chweneyagae : Tsotsi
Kenneth Nkosi : Gorille
Mothusi Magano : Boston
Zenzo Ngqobe : Boucher
Terry Pheto : Miriam
Zola : Fela Ndlovu
Rapulana Seiphemo : John
Nambitha Mpumlwana : Pumla
Nonthuthu Sibi : Le bébé
 

Site en français
Interview de Presley Chweneyagae
Mon nom est Tsotsi sur Africultures.com
Site Officiel
 
 
Mon Nom est Tsotsi (Tsotsi)


Afrique du Sud / 2005

19.07.06
 

Un Tsosti, kesako?





Le mot "tsotsi" est employé pour parler d'un délinquant de race noire, vivant dans les villes, une sorte de voyou des rues et/ou un membre de gang dans l'argot des townships Sud-Africaines. Leur histoire remonte aux années 1930, connue grâce aux gangs de Soweto, une banlieue de Johannesburg. A l'époque, les gangsters appelés tsostis étaient légion. Armés de crans d'arrêt, ils imitaient les vedettes de cinéma en portant chapeaux mous, costumes croisés et cravates aux couleurs chatoyantes. L'Apartheid instaure dès 1952 des lois limitant les libertés des Noirs qui doivent dorénavant posséder un permis pour vivre et travailler dans certaines zones. Frustrés par le manque d'opportunité, les individus compétents choisissent la voie de la délinquance, propice à gagner davantage d'argent qu'en restant rangés. C'est dans ce contexte que naissent les tsotsis. Il y avait les grands tsotsis, en costume zazou, et les petits, plutôt arnaqueurs. Les premiers appartenaient au grand banditisme et les seconds étaient des jeunes non motivés par le travail, sans éducation ni emploi. Bien que le terme "tsotsi" évoquait un gangster glamour, il est à présent plus fréquemment employé pour de jeunes voyous issus des banlieues défavorisés dont les vies sont loin d'être idéales.

La naissance d'un cinéma Sud Africain
Athol Fugard est l'un des auteurs Sud-africain les plus prolifiques du siècle dernier et pourtant son roman Tsotsi a eu du mal à trouver une adaptation cinématographique capable d'intéresser des producteurs et leurs investissements. Nombreuses toutefois étaient les adaptations écrites avant que le producteur Peter Fudakowski ne se penche définitivement sur ce projet. Il semblerait qu'une histoire essentiellement basée sur le monologue intérieur d'un jeune délinquant en quête de rédemption soit une preuve de succès futur pour les investisseurs. Ce roman, écrit dans les années 1960 sous l'Apartheid, se déroule dans l'Afrique du Sud des années 50 mais ne sera publié qu'en 1980. Rédemption, découverte de soi et pardon : ses thèmes restent universels.
Fort et touchant, Mon Nom est Tsotsi a reçu l'Oscar du meilleur film étranger et vient nous rappeler l'émergence d'un nouveau cinéma sud-africain ; cinéma de plus en présent, ces dernières années au tableau des grands prix internationaux. Ce succès nouveau et inattendu, d'un cinéma sud-africain réalisé par des Blancs avec des acteurs noirs, consacre aussi un choix spécifique: il est centré sur des sujets sociaux, avec des acteurs locaux qui jouent dans leur propre langue. On se souvient de Yesterday de Darrel Roodt (tourné en zulu) : l'histoire de cette mère séropositive luttant contre le sida pour accompagner sa fille à son premier jour d’école. Le film avait été nominé aux Oscars en 2005. Outre U-Carmen eKhayelitsha (l'opéra de Bizet chanté en xhosa dans un township) de Mark Dornford-May : l’Ours d’Or de Berlin 2005.

Tourné en zulu, xhosa et afrikaans (mélange d'argot des townships), Mon Nom est Tsotsi y gagne en authenticité. Les spectateurs autochtones risquent de ne pas s’y précipiter pour autant : dans le sillage de l'Apartheid qui avait cantonné les grandes salles dans les quartiers réservés aux Blancs, dans une Afrique du Sud à 90 % noire, seul un spectateur sur six est Noir. Mais le film de Gavin Hood a bénéficié d'une promotion sans précédent du distributeur local Ster-Kinekor, qui cherche à élargir son audience, notamment avec la prochaine construction de cinémas à Soweto, parmi d'autres townships, où la plupart des salles ont été fermées pendant l'Apartheid.
Inexistants à l’époque, des cinéastes noirs commencent désormais à se faire remarquer. Zola Maseko s'est fait connaître avec Drum, un film à gros budget (5 millions d'euros), qui raconte le tragique destin d'un journaliste noir dans les années 50 (présenté à la Semaine de la critique 2005 / étalon d'or au festival panafricain de Ouagadougou 2005. Sorti le 19 avril sur nos écrans, Lettre d'amour zoulou (sur les difficultés de la réconciliation) de Ramadan Suleman a reçu le Tanit d'argent à Carthage 2004. Pour la première fois depuis une dizaine d'années, un court-métrage sud-africain (Ongerieve du jeune métis Robin Kleinsmidt) a été sélectionné à Cannes. Dans le pays le cinéma hollywoodien tient le haut du pavé – 93% des films diffusés – et un film comme Yesterday qui a généré 350 000 dollars de recettes (un record pour un film Sud-africain) en avait coûté trois fois. Pour ces films, le problème est ainsi de coller aux grands standards internationaux pour trouver financements. Et pourtant, un cinéma sud-africain est présentement émergeant, après des années d'isolement sous l'Apartheid, où la production se limitait à des comédies destinées au public blanc. On se souvient de ces incontournables Dieux sont tombés sur la tête. Après 1994, la région du Cap est devenue site prisé de tournages internationaux de films et de spots publicitaires. L'Afrique du Sud a elle-même développé une production de pubs, documentaires et feuilletons télévisés de qualité. La renaissance du cinéma y aura toutefois été plus lente. Depuis lors, certaines people comme Samuel L. Jackson, Juliette Binoche (dans In my Country) ou encore Taye Diggs (Drum) ont été à l’affiche de films (tournés en anglais) traitant de l’Apartheid. Mais ils n'ont jamais fait audience escomptée. Même Hotel Rwanda avec Don Cheadle, coproduit par l'Afrique du Sud et filmé à Johannesburg, aura peu percé. Le cinéma Sud africain est encore embryonnaire (seulement 6 films produits en 2005)…

Athol Fugard, l'engagé
Après l'université où il se découvre une passion pour Albert Camus, Athol Fugard, fils de parents blancs et africains, travaille au "tribunal des autochtones" de Johannesburg en qualité de clerc. C'est là qu'il se constatera toutes les injustices de l'Apartheid et en fera son cheval de bataille. Bien qu’il soit anglophone, il se décrit comme un Afrikaner écrivant en anglais ; ce qui permit au monde entier, grâce à ses pièces, de découvrir et comprendre les difficultés et la beauté de son pays natal. Mais sa critique de l'Apartheid lui a valu de graves conflits avec le gouvernement Sud africain. Lorsque The Blood Knot (écrite en 1951 et considérée comme la grande pièce du moment) fut jouée en Angleterre, le gouvernement lui retira son passeport pendant 4 ans. En 1962, son soutien au boycott international de la ségrégation exercée sur le public des théâtres lui a valu des restrictions supplémentaires. Son travail, qui compte des collaborations majeures avec des acteurs noirs comme John Kani et Winston Ntshona, met l'accent sur l'absurdité de la vie qui résulte des structures du pouvoir humain (celui de l'Apartheid la plupart du temps) et non de la vie elle-même. « Mon vrai territoire en tant qu'auteur de théâtre est le monde des secrets et son effet puissant sur le comportement humain ainsi que le traumatisme dû à sa révolution », dit Fugard. « Ce sont les dynamos qui génèrent tous les éléments importants de mes pièces. »


Des acteurs plus vrais que nature
Gavin Hood, nommé comme étant l'un des dix réalisateurs à surveiller au Festival du Film de Sundance, vient de se démarquer. Avec Mon Nom est Tsotsi, il fait passer un message clair au reste du monde: l'Afrique est un continent qu'il ne faut jamais oublier et dont il faut parler. Ce message a été d'une telle clarté que les Africains eux-mêmes y ont répondu en envahissant les salles de cinéma pour y voir une histoire - leur histoire - celle de leur pays et propre réalité. Grâce à cette œuvre remarquable, Gavin Hood a pavé la voie, déjà ouverte par Fernando Meirelles avec The Constant Gardener
Son équipe d’acteurs y aura toutefois été pour beaucoup. Tous ont fait leurs débuts grâce au théâtre communautaire et aux fondations artistiques, et se sont fait remarquer lors de festivals et ateliers théâtre. En ce qui concerne le parcours de Presley Chweneyagae, il n'est pas si éloigné de celui que traverse Tsotsi, le personnage qu'il interprète. Le jeune comédien est né et a grandi dans un township de Johannesburg peu fréquentable et commence le théâtre très tôt, poussé par sa mère qui ne veut pas le voir devenir un voyou comme ses amis. Repéré par un agent et présenté à Gavin Hood, il est pressentit pour jouer le rôle de Boucher, le plus sanguinaire de la bande. Mais c'est après plusieurs essais que le réalisateur a craqué pour sa sensibilité cachée derrière ce regard noir et pour le côté double de sa personnalité, en accord avec son personnage principal. Une première expérience au cinéma qu'il partage avec Terry Pheto (dans le rôle de Miriam, qu'on aperçoit aussi pour la première fois sur grand écran), Zola (alias Fela un poète, musicien et auteur de chansons, devenu superstar du Kwaito, l'équivalent du Hip Hop Sud africain), Kenneth Nkosi (qui joue Gorille) star de la télévision pour ses rôles à l’affiche d’« Isidingo » et « Saints, Sinners and Settlers » et Mothusi Magano (l'instituteur Boston) aperçu dans Gums and Noses et Hotel Rwanda. Sans oublier Zeno Ngqobe (le sanglant Boucher) essentiellement comédien sur les planches (notamment chez Shakespeare).


Le Kwaito, un personnage à part entière
Le Kwaito est la musique locale typique et moderne, reflétant parfaitement la culture jeune post-Apartheid. Le terme viendrait de "amakwaito", un groupe de gangsters des années 50 originaires de Sophiatown, un township de Johannesburg, qui a emprunté son nom au mot afrikaans "kwaai", qui signifie "en colère" ou "vicieux". Il s'agit de chants scandés en rythme sur un accompagnement de basses puissantes. A l'instar du hip hop, il exprime et valide à la fois le mode de vie urbain et moderne chanté en argot des rues, mélange d'anglais, de zulu, de sosotho et d'isicamtho. Le kwaito se fait la voix de la colère des townships. Il parle à ses habitants, les connaît et les comprend, symbole authentique de cette vie revendiquée avec ferveur par la jeunesse d'Afrique du Sud (la moitié des 50 millions d'Africains du Sud a moins de 21 ans). Il a contribué à renforcer l'optimisme et la confiance des Sud africains après l'Apartheid, et a définitivement modifié le paysage culturel. Notons que l'acteur Zola a composé plusieurs chansons de la BOF.
 
Marie
 
 
 
 

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