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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Production : Saul Zaentz, Miramax Réalisation : Anthony Minghella
Scénario : Anthony Minghella, d'après le roman de Michael Ondaatje
Montage : Walter Murch Photo : John Seale
Musique : Gabriel Yared Durée : 160 mn
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The English Patient (Le patient anglais)
R. Uni / USA / 1996
12.03.97
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Le producteur Saul Zaentz est le responsable de grandes oeuvres telles Vol au dessus d'un nid de coucou, Amadeus, L'Insoutenanle légèreté de l'être. Le livre canadien dont le film est adapté a reçu le prix Booker et est considéré comme un grand classique (un livre de chevet même) contemporain.
Les critiques sont unanimes: le film n'est pas aussi bouleversant que le roman. Mais il est si émouvant, et techniquement sans reproche, que dès sa sortie il a été un favori pour les oscars. Time Magazine l'a classé Meilleur film de l'année. Il a emporté le Golden Globe du meilleur drame, puis enfin a fait une moisson de 9 Oscars en mars. Ce fut au tour de la BAFTA en avril de le couronné meilleur film britannique de l'année. Il est aussi nominé aux Césars 1998.
D'autant plus que si le jeu minimaliste de Fiennes a rendu frileux certains commentaires, les deux comédiennes s'en tirent avec des éloges dithyrambiques. Scott-Thomas s'est battue pour avoir le rôle, et fut nominée aux Oscars. Le couple est d'ailleurs parfaitement crédible, et très romantique dans ce Sahara lumineux.
Quant à Binoche, elle est celle qui a été le moins fidèle au personnage du roman, en y ajoutant une réelle chaleur. Elle devient ainsi le personnage le plus attachant du film, la lumière de ce drame. Les deux actrices ont reçu le Prix du Meilleur second-rôle féminin par l'Organisation Nationale des Critiques de Cinéma (USA). Puis Binoche a récolté l'Ours d'argent à Berlin, l'Oscar et le BAFTA du meilleur second-rôle, avant d'être nominée prami les meilleures actrices européennes (Félix, Festival de Bruxelles). Juliette sera la Présidente des Césars 98.
La qualité du film est indéniable, ses paysages séduisent et son sujet accrochera sans doute les amateurs de Casablanca. Le charme et les larmes du film l'emporteront certainement sur les notes discordantes des esprits chagrins.
Les plus belles images demeurent celles du début. L'avion au dessus d'un désert aux courbes féminines, et cette peau brûlée soignée avec des des mains patientes...
LA VERITABLE HISTOIRE DU "PATIENT ANGLAIS"
The English Patient, qui vient de remporter neuf Oscars à Hollywood, a suscité une polémique aux Etats-Unis pour avoir pris des licenses avec la vérité historique et transformé un authentique collaborateur nazi en héros intrépide et romantique.
Le film du britannique Anthony Minghella retrace l'épopée dans les sables du désert égyptien du comte hongrois Laszlo de Almasy durant la Deuxième Guerre mondiale. Pour tenter de sauver la femme qu'il aime et qui agonise, blessée, dans une grotte du désert saharien, cet explorateur féru d'archéologie en vient à vendre aux Nazis de précieuses cartes.
Interprété par Ralph Fiennes, le comte Almasy a réellement existé. Mais, comme l'attestent plusieurs études biographiques, loin d'être le noble héros et l'amant fou dépeint dans le film, il était un espion opportuniste et homosexuel, un monarchiste convaincu et collaborateur nazi de la première heure.
Ce film est "amoral et anti-historique", s'insurge Elisabeth Salett, présidente de l'Institut multiculturel national de Washington qui, la première, a dénoncé la supercherie.
Son père, ancien consul général de Hongrie à Alexandrie (Egypte), a bien connu le vrai Almasy. Le metteur en scène "est parti d'un personnage réel et l'a entièrement reconstruit pour en faire un héros amoureux et passionné", poursuit-elle.
Plusieurs études historiographiques, en particulier celles d'un officier de renseignement britannique et d'un cartographe hongrois, permettent de dresser un portrait plus ambigu de l'explorateur.
Le véritable Laszlo de Almasy. Né en Hongrie en 1895, entré à 20 ans dans l'armée de l'air austro-hongroise, Laszlo Almasy participe en 1921 à Budapest à une tentative de restauration de la monarchie hongroise. Le neveu de l'empereur François-Joseph le fera comte.
Dans les années 30, les Britanniques, qui le soupçonnent d'être un agent double, puis les Italiens, refusent ses offres de service. En 1936, le roi Fahd d'Egypte rejette son projet de musée du désert, après avoir été averti qu'il pourrait s'agir d'une couverture pour des activités d'espionnage.
En 1940, ce connaisseur hors pair du désert nord-africain rallie l'Afrika Korps du maréchal Rommel. Dans son livre "En Libye avec l'armée de Rommel" (1943), Almasy saluera l'invincibilité de l'armée du Reich et les qualités humaines du "Renard du désert", qui le décorera de la Croix de Fer.
Les Britanniques l'interpellent en 1942 au Caire et trouvent dans son attaché-case une liste des personnes à arrêter, une fois l'Egypte occupée.
Après la guerre, Almasy travaillera pour les Soviétiques, avant de s'éteindre en Autriche, à l'âge de 55 ans, victime d'une dysentrie. On retrouvera 80 lettres d'amour passionnées écrites à un jeune officier allemand, à qui il tenta d'éviter l'envoi sur le front russe.
Dans une interview récente au New York Times, Anthony Minghella reconnaît qu'en adaptant le roman du Canadien Michael Ondaatje, il connaissait le passé d'"espion ou d'agent double" du vrai Almasy. Mais, explique-t-il aussitôt, ses opinions politiques n'ont pas été retenues car elles n'apportaient rien au mécanisme émotionnel de l'intrigue.
Révisionnisme cinématographique. Ce n'est pas la première fois -- de Malcom X (Spike Lee) à JFK (Oliver Stone) ou de Larry Flint (Milos Forman) à Evita (Alan Parker) pour ne prendre que des exemples récents -- que le cinéma prête le flanc à des accusations de "révisionnisme cinématographique", en mythifiant, pour les besoins bien compris d'un scénario, des personnages historiquement plus complexes et ambigus.
"Il est de la responsabilité des réalisateurs d'être exacts", estime le réalisateur américain Rob Reiner. "Les gens", soulignent-ils, "apprennent l'histoire à travers les films, alors je considère que notre responsabilité effectivement est énorme".
A moins que l'industrie cinématographique n'ait décidé de souscrire à la devise du reporter qui, dans la scène finale du western culte de John Ford, L'Homme qui tua Liberty Valance, déçu en apprenant la vérité, jette son carnet de notes et lance: "Quand la légende devient un fait accompli, il faut diffuser la légende". vincy
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