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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Production : MK2 Productions Distribution : MK2 Diffusion Réalisation : Abdellatif Kechiche Scénario : Abdellatif Kechiche Montage : Camille Toubkis, Albertine Lastera Photo : Lubomir Bakchev, Sofian El Fani Décors : Florian Sanson, Mathieu Menut Son : Nicolas Waschkowski Musique : Slaheddine Kechiche Durée : 160 mn
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François Marthouret : Georges Cuvier
Elina Löwensohn : Jeanne
Olivier Gourmet : Réaux
André Jacobs : Hendrick Caezar
Yahima Torres : Saartjie Baartman
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Vénus noire
France / 2009
27.10.2010
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Restitution : C'est André Langaney, directeur du Laboratoire d'anthropologie du Musée de l'Homme à Paris, qui a organisé dès 1994 en collaboration avec l'Afrique du Sud le retour des restes de Saartjie Bartman dans son pays. Vingt ans auparavant, il avait décidé de retirer le moulage du corps de la jeune femme des collectons du musée.
A l'occasion de la sortie de Vénus noire, il est revenu sur les circonstances de cette restitution : "La première demande de restitution a été formulée de façon officieuse, juste après l'arrivée au pouvoir de Nelson Mandela, par le dernier représentant du régime d'apartheid auprès de l'Unesco à Paris.
Ce dernier, Mansel Upham, m'a adressé un fax le 28 août 1994 alors que j'étais en vacances, exigeant d'être reçu le jour même : quand je suis rentré, il était parti. Mais peu après, les journaux sud-africains commençaient à écrire que j'avais refusé de le recevoir alors qu'il réclamait le retour du corps de Saartjie au nom du "Mouvement national Grieqwa", un mouvement indigéniste dont il était cofondateur : cet homme qui était pour la pureté raciale du temps de l'apartheid se trouve tout à coup militant grieqwa (également appelés khoisan).
Il se lance alors dans un campagne visant à réclamer le retour d'une victime grieqwa à un moment où le gouvernement sud-africain n'a rien demandé.
L'affaire fait tellement de bruit que l'ambassadrice d'Afrique du Sud à Paris, Barbara Masekela, prend contact avec moi pour voir le moulage et le squelette. Il y a d'ailleurs quelques doutes car le squelette et le moulage ne mesurent pas la même taille: le premier fait 1,45 m et le squelette 3 cm de moins... a-t-il été inversé avec un autre?
En tout cas, pour elle, Saartjie est une victime parmi plein d'autres: ce qu'elle veut surtout éviter, c'est la propagande khoisan.
Mais l'agitation continue et la France s'en mêle à son tour, incriminant la mauvaise volonté des conservateurs alors qu'il n'y avait pas eu de demande !
Les restes n'avaient aucune valeur scientifique. Si les Sud-Africains les demandaient, il fallait bien sûr les leur renvoyer. Mais ils ne réclamaient rien : la situation était totalement surréaliste.
Finalement, face aux campagnes de presse en Afrique du Sud, Pretoria a fini par demander la restitution des restes, mais comme citoyenne sud-africaine emblématique de la toute nouvelle nation Arc-en-ciel, multicolore et multiraciale.
C'est ainsi que sont rentrés (en 2002) le squelette, les organes et le cerveau.
Quant au moulage, les Sud-Africains n'en voulaient pas. Ils ont juste demandé qu'il ne soit plus montré, sauf aux personnes qu'ils nous enverraient."
Des milliers de Vénus noire : On sait aujourd'hui que Saartjie Bartman ne fut qu'une victime parmi des milliers de ces "zoos humains" qui fleurirent en Occident et au Japon au XIXe siècle. Environ 40 000 indigènes issus des colonies furent exhibés "sous contrat" jusque dans les années 1930. Un business juteux puisqu'un milliard de personnes auraient assisté à ces spectacles d'après l'historien Pascal Blanchard, spécialiste de l'histoire coloniale, qui a coordonné une étude sur les "Zoos humains".
"Au XIXe siècle, tous les ans, on compte de cinq à huit shows ethniques majeurs en Europe. A partir de 1870, on a des troupes allant jusqu'à 400 personnes et plus de 50 shows par an", explique-t-il. "90% des exhibés ont été rémunérés: pour bien jouer au sauvage il faut être payé, le sauvage est d'abord un acteur qui joue la sauvagerie que l'Occident a écrit pour lui".
Selon lui, qu'ils aient d'abord été des volontaires trompés sur la nature des spectacles (comme Saartjie Bartman dans le film d'Abdellatif Kéchiche) est une possibilité. "C'est un système complexe de sujétion : ils sont volontaires, mais à la demande de la puissance coloniale. On le leur demande et ils ne refusent pas. Certains chefs coutumiers ont pesé sur la décision, ils parlaient et on les écoutait. [Mais] on peut être volontaire de sa propre aliénation, ça n'empêche pas de rentrer traumatisé".
C'est le cas des ancêtres du footballeur Christian Karembeu, dont sept membres du clan furent exposés au Jardin d'acclimatation et dont l'ex-Bleu raconte qu'ils rentrèrent "agressifs et aigris". Leur histoire resta longtemps taboue dans la communauté.
Christian Karembeu prépare d'ailleurs avec Lilian Thuram et Pascal Blanchard une grande rétrospective intitulée "Exhibition" qui sera exposée au Musée du Quai Branly à Parisen novembre 2011 avant de faire le tour d'une dizaine de musées à travers le monde.
MpM avec AFP
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