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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Production : UGC, Saïd Ben Saïd, Ciné B
Réalisation : André Téchiné Scénario : André Téchiné, Faouzi Bensaïdi, Michel Alexandre, Mehdi Ben Attia
Montage : Hervé de Luze
Photo : Germain Desmoulins
Musique : Juliette Garrigues
Durée : 120 mn
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Stéphane Rideau : Serge
Lubna Azabal : Sarah
Mohamed Hamaïdi : Saïd
Yasmina Réza : Emily
Jack Taylor : James
Gaël Morel : François
Rachida Brakni : Nezha
Nabila Baraka : Farida
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Loin
France / 2001
29.08.01
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C'est le quinzième long métrage d'André Téchiné. Il marque le temps des retrouvailles, mais aussi de la continuité.
Tout d'abord, l'auteur-cinéaste des Roseaux Sauvages (César du meilleur film) retrouve Stéphane Rideau, et dans une moindre mesure, Gaël Morel, ses comédiens des Roseaux, 7 ans après. Si Morel s'est lancé dans la réalisation entre temps, Rideau a été plus audacieux en devenant une icône du cinéma gay d'auteur (Sitcom, Presque Rien). Téchiné renoue aussi avec Michel Alexandre (dialogues additionnels), avec qui il avait écrit le polar psychologique Les Voleurs.
C'est aussi un prolongement. Adepte des tournages extérieurs et ensoleillés, il s'est tourné vers Tanger, soit un peu plus au sud que l'Andalousie et Grenade, décor d'Alice et Martin son précédent film. Outre Paris, Téchiné a exploré Lyon, Biarritz, la région de Toulouse, les Pyrénnées, ... Tanger est un lieu entre deux mondes, comme Istanbul. De nombreux films s'y déroulent. Mission à Tanger d'André Hunebelle (49), Le Voleur de Tanger avec Tony Curtis (51), Flight to Tanger avec Joan Fontaine (53), Le Lion et le vent de John Milius avec Sean Connery (75), Dernier été à Tanger d'Alexandre Arcady (88), un James Bond (Tuer n'est pas jouer), Un thé au sahara de Bertolucci (90), parmi une trentaine d'autres. Ce carrefour entre l'Afrique et l'Europe est un objet de fantasme cinématographique.
André Téchiné l'avait d'abord intitulé Terminus des Anges. L'innocence et la découverte des dures réalités de la vie étant l'un des thèmes de son oeuvre. En souhaitant adapter "Le citron", de Mrabet, il se rend compte qu'il faut transposer l'histoire dans le Tanger contemporain; cette ville qui fait face à l'Europe, qui "stocke" nigériens, marocains et autres africains en quête d'Occident.
Téchiné a aussi souhaité que ce film parle plusieurs langues, se mélange ainsi entre les sons du nord (anglais, français) et ceux du sud. Il voulait mettre le mouvement au coeur du film : le camion, la bicyclette, le scooter sont des moyens qui font mouvoir l'image et donnent le sentiment de liberté.
En fait, il a laissé se confronter les rêves : les Marocains qui songent à s'expatrier en France ou au Canada et les occidentaux (de France et du Canada) qui sont fascinés par le Sud, sa culture, sa musique, ses traditions.
Téchiné est aussi un explorateur de sentiments : ses films se basent sur les relations interpersonnelles, toutes sexualités et races confondues. Le film veut aller "loin" dans cette découverte de l'inconnu, dans cette aventure humaniste.
Pour cela, il a décidé de créer une oeuvre atypique dans sa forme. Les répliques du personnage James (Jack Taylor) sont en fait les dialogues issus d'un entretien de l'écrivain Peter Bowles. La préparation fut longue car le casting imposait des acteurs parlant arabes et français. Téchiné reste un grand découvreur de talents : Binoche, Manuel Blanc, Elodie Bouchez, Alexis Loret, Laurence Cote... Les repérages furent tout aussi longs. Une même scène pouvait comporter plusieurs arrière-plans. De plus, pour des raisons économiques - et à l'instar de Miller, Godard, Varda, Fansten, Rohmer, Py... - André Téchiné a réalisé pour la première fois un film en vidéo numérique. Si les plans étaient très construits, sans improvisation, les mouvements demeurent amplifiés par cette technologie. Téchiné s'est donc offert le luxe de tourner chronologiquement ces trois journées, entrecoupées par un insert au montage final.
Par ailleurs, on notera que le casting est peuplé d'inconnus. Le jeune et beau Rideau arborre une barbe. Lubna Azabal a été vue dans Pure Fiction et Siestes grenadines. Mohamed Hamaïdi était dans Les Braqueuses (de J.P. Salomé) et De l'autre côté de la mer. A 65 ans, Jack Taylor est un vieux de la vieille et a été remarqué récemment dans La Neuvième Porte. On l'a surtout connu dans des films érotiques dans les années 70 (Tendre et pervesse Emmanuelle, Les avaleuses) et des mauvais films d'horreur (Le compte Dracula, Dr Jekyll et le loup garou).
C'est avant tout la première apparition au cinéma de l'auteur Yasmina Réza. Celle à qui on doit "Art", "Conversations après un enterrement", "La traversée de l'hiver" (tous moliérisés) ou encore "Trois versions d'une vie" (pièce où elle jouait un des 4 rôles), est devenue une des divas de la scène française, courtisée par tous, acclamée dans le monde entier.
Le film est sélectionné en Compétition Officielle à Venise. Après 5 films retenus par Cannes, 6 nominations aux César du meilleur réalisateur (et une gagnante), et un Prix Louis-Delluc, il s'agit de sa seconde fois à la Mostra (la première date de 69 pour son premier film). Il lui faudra tous le poids des médias là bas, et l'aura nécessaire, pour atteindre les scores des Voleurs sortis à la même période (un million de spectateurs). Téchiné a vécu un échec avec Alice et Martin, son premier en dix ans. Loin doit voir si son cinéma est toujours aussi proche des gens.
vincy
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