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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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The Truth about Charlie (La Vérité sur Charlie)
USA / 2002
15.01.03
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LA DRÔLE DE DAME DE CHARLIE
"- Lâcheur ! Vous abandonnez vite... "
S’attaquer à un film comme Charade n’était pas forcément un pari fou. Le film original est à la fois un bijou magnifique, qui justifie l’intérêt, et un héritage d’un Hollywood nostalgique, qui rend légitime l’actualisation. Sur le papier, Jonathan Demme a eu de bons réflexes : un casting qui n’a rien à voir avec Hepburn et Grant, un regard personnel sur le scénario, une musique cosmopolite et éloignée des airs de jazz de Mancini. S’il a retiré le vernis, il n’a hélas pas tailler le diamant pour qu’il étincelle d’une autre manière. Au contraire.
Le principal défaut fut de vouloir trop en faire. Le scénario se complexifie inutilement vers la fin. Les images de l’opération ratée en Bosnie n’apportent rien de neuf et ralentissent le rythme. La vision de Paris, même s’il assume une désorientation géographique volontaire, est bien moins intéressante que celle de The Bourne Identity - même si elle est esthétiquement supérieure à la plupart des films français. Il ne parvient pas à allier le charme et la dérision du film dont il s’inspire avec l’action et la puissance dramatique. Une des raisons est sans doute le choix de Mark Wahlberg, qui ne fait pas le poids face à l’humour, la fantaisie, la candeur de Thandie Newton, là où Grant et Hepburn étaient à égalité dans les " gags ".
A force de rajouter des couches à un script qui n’en faisait pas des tonnes, le réalisateur s’égare et nous perd. Passant de séquences inspirées à des plans totalement ratés (le dernier avec Aznavour est un monument de laideur), de références trop appuyées (Le Troisième Homme) à des inserts hallucinogènes, le cinéaste ne maintient aucun suspens, ne permet aucune tension. Nous assistons ainsi à un film expérimental : une trame de fond qui sert de fil conducteur, comme un sampling en musique, et des touches de couleurs ou de sons rappelant d’autres films. Il a invité le gratin d’un certain cinéma des années 60, avec Anna Karina, Agnès Varda et Tirez sur le pianiste en caméos vedettes. Le mélange du star système hollywoodien (celui de Charade comme celui de Charlie) avec les rescapés de la Nouvelle Vague donnent un film hybride, ni onirique, ni classique, juste manqué.
Alors, certes, le cinéma a changé, le monde aussi : on ne drague plus comme avant, et là subversion du rapport fille/père du Stanley Donen fait place à une complicité platonique entre deux anciens top models. Le mystère s’évapore : les décors sont trop pittoresques, l’humour qui existe encore dans cette version malgré tout ne fonctionne pas tout à fait. Les méandres du jeu de chat et de souris qui faisait courir Audrey Hepburn dans tout Paris, devient une simple ligne légèrement sinueuse d’un point à un autre. Personne ne croira la menace qui pèse sur elle, ni même son attirance pour cet homme à double visage. Il y a trop de distanciation : comme si Demme a avait voulu voler un objet du désir, sans casser la glace qui le protégeait au Musée. On devine ce que le cinéaste voulait faire, mais jamais il ne frôle son sujet.
La crainte est de regretter qu’Hollywood ne parvienne plus à faire des films légers et séduisants sans s’embourber dans une machinerie qui nous livrerait un produit formaté, mais incolore et pesant. La charade interrogative et ludique s’est transformée en QCM manichéen (vérité/mensonge). Tout le monde, spectateur inclus, méritait mieux. vincy
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