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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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La Turbulence des Fluides (Chaos and desire)
Canada / 2002
11.12.02
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PRINCESSE DES MAREES
- Pour croire, il faut une certaine dose d'abandon.
- Ou de désespoir.
Manon Briand possède un regard bien à elle. Ses histoires tournent autour de femmes, jeunes, indépendantes, faussement fortes et infailliblement fragiles. Dans 2 secondes, l'environnement urbain défilait aussi vite que la vie jusqu'à opprimer son héroïne. Ici, malgré le titre, la vie fait une pause pour révéler les fêlures et les manques. La Turbulence des Fluides s'installe dans un paysage improbable, avec une caméra contemplative.
Derrière ce thriller surnaturel et électro-magnétique, la cinéaste nous offre surtout son envie, son désir de cinéma. Et, par conséquent, ce mélange de perfection, de désordre et de mise en danger. Techniquement, artistiquement, le film est réussi : le son comme l'image sont esthétiquement de haute qualité, et cela nous change de tous ces films dogmatiques où le mouvement d'épaule tient lieu de mise en scène. Le scénario est plus flottant. Il se perd, se laisse aller, épouse les dérèglements de la nature humaine qui oublie parfois la nature qui l'entoure. Mais l'affection que l'on s'attache aux personnages sauve les baisses de tempo. Les paysages et leur beauté magnifique se confrontent aux machines, tout autant sublimées. Les incantations mystiques se mélangent aux signes et à la (dé)raison scientifique.
Briand amène son fantastique final (ou final fantastique) sorte de secousse sismo-orgasmique très proche des films d'Imamura (hasard ? le film démarre au Japon), avec ce cocktail subtil de contrastes où les sentiments et les sensations ne font pas forcément bon ménage. Les acteurs portent admirablement ces contradictions : tout en regard ou en force. Bussières, Gayet et Bujold forment un trio féminin original et intense.
Et puis il y a un autre personnage. L'eau. Omniprésente - sueur, bouteille, aquarium, canadair, robinet - véritable symbole, elle incarne le fantôme inquiétant de ces fluides, le suspect numéro 1 de ce thriller étrange. Car il y a quelque chose de fantasmagorique dans cette histoire bizarre. Même les volutes de fumée ont des allures de spectres. En fusionnant l'Homme et les éléments, Briand, décidément brillante, expose une théorie du vide intérieur, où le retour aux sources n'est pas seulement un passage initiatique mais bien le jaillissement de ses propres peurs et émotions. Bref l'eau devient un parfait miroir. Et le sable l'assèchement de la personnalité.
Sous le polar, il y a donc une belle strate de métaphysique, en plus d'un portrait intelligent des relations humaines. Manons (des Sources) n'omet pas l'humour, la vision québécoise du sexe, sa langue, et donc sa culture. Ce qui produit un très beau moment de cinéma, authentique et singulier. vincy
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