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MACROCOSMOS (FACILE)
« Au commencement des commencements, à l’origine des origines, il n’y avait rien. »
Précisons d’abord, à l’intention des fans égarés : ne vous attendez pas à voir débarquer Phil Collins, Peter Gabriel, ou n’importe quel autre membre du groupe « Genesis », au cours de la projection de ce film. Vous n’y apercevrez d’ailleurs, en tout et pour tout, qu’un seul être humain, en la personne du charismatique Sotigui Kouyaté, conteur de cette genèse de l’univers. Nous disons bien « cette » genèse, car qui, à part Paco Rabane, aurait la prétention caractérisée de faire le récit définitif et exhaustif de la fabrication du monde, lorsque les scientifiques compétents en la matière en sont encore à se livrer bataille féroce quant à déterminer si l’univers serait plutôt en forme de donut ou bien de croissant au beurre. Qu’est-ce qui décida donc les deux réalisateurs de Genesis, à faire de ce questionnement métaphysique un film plutôt qu’une pâtisserie ? C’est la question à laquelle nous tenterons humblement de répondre au cours de ce texte.
Voilà donc une œuvre cinématographique qui part sur des fondements singulièrement glissants, bien que séduisants. Heureusement, nous, public moyen (si je peux me permettre), n’aurons pas à encaisser, par déficience culturelle, les éventuelles incertitudes factuelles qu’étalent, formules formelles et péremptoires à l’appui, les Claude Nuridsany et Marie Perennou du générique. Condamnés à donner notre crédit de spectateurs bienveillants aux envolées lyrico-scientifiques du conteur animiste, Genesis esquive brillamment la critique de fond. Evoquons brièvement, tout de même, les hypothèses philosophiques du film. Le choix du griot africain se justifie assez rapidement, une fois assimilée la vision de l’univers comme « Grand Tout », autrement dit, unique individualité existante. Le religion animiste est très attachée à ce type de considérations spinosistes. A ce titre, le film déploie un arsenal de périphrases plus ou moins réussies, qui tentent une poétisation de la nature, à l’authenticité africaine douteuse.
Le second parti pris métaphysique sur lequel la narration repose, sans doute le plus intéressant, consiste à envisager la vie comme la résistance d’une forme. Les gènes de chaque être vivant, lui imposent, en effet, une configuration qu’il s’agit de faire persister dans le temps. Contre la force démolisseuse et désorganisatrice de l’univers, se sont formées des unités, appelées êtres vivants, dont la seule mission est de garder intacte la forme qui les constitue, ce qui les différentie catégoriquement du plat en sauce. Fascinant. La matière animée, les atomes et leurs petites aventures sont donc prétextes aux saynètes animalières auxquelles nous avait familiarisés Microcosmos. Ou serait-ce l’inverse ?
Et c’est là que le bas blesse. Bien vite, ces débordants théorèmes philosophiques et scientifiques, s'effrangent comme autant de cheveux dans la soupe cosmique, à la lumière des images. Entre quiproquos de poissons périophtalme et amourettes d’araignées pholques, l’évidence d’un petit traquenard s’impose. Les deux auteurs, filmeurs passionnés, armés jusqu’aux dents d’un stocks d’images de leurs bestioles favorites, ont tout simplement plaqué leurs grandes cosmo-théories (certes pas de pacotille), sans prendre vraiment la peine de lier le commentaire à l’image. Au demeurant, il n’y avait rien à lier, tant les situations animalières montrées sont hétérogènes. En effet, comment les lier autrement que par un fatras de considérations sur la genèse du monde ? Les images sont le prétexte (pré-texte) du film. Pourquoi pas, au fond ? Godard avait bien tourné un scénario filmé de son film Passion. Seulement lui n’avait pas fait passer un documentaire animalier pour un cours magistral de philosophie appliquée. (Même pas du tout, en fait.)
Ces remarques pardonnées, le spectateur magnanime saura apprécier le spectacle moite de ces êtres filandreux, gluants, plumeux ou écailleux, dans les conditions les plus rocambolesques que le permet la nature. Dans la limite, bien-sûr, de leur criante humanité, puisque les documentaires animaliers ne valent toujours que par leur potentiel d’identification à l’homme. Quel charme trouverait-on aux iguanes des Galapagos, s’ils ne se vautraient parfois lamentablement sur une dalle glissante, comme le premier humanoïde venu, disposé au bord d’une piscine.
Dommage, qu’outre des bobines de film remplies, de ce film didactique et de sa fable philosophique, il semble, au commencement des commencements, à l’origine des origines, il n’y avait rien. Axel
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