|
Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
|
|
|
|
|
Le dernier jour
France / 2004
03.11.04
|
|
|
|
|
|
UN SOUPCON DE ROSE
" - Tu crois qu'un jour elle fermera les portes normalement?
- Tu crois qu'un jour il fermera sa gueule?"
Une première image : briser la glace. Avec la tête, car cela fait plus mal. Un petit choc. Mais cela installe la relation avec le spectateur. Ce dernier jour est celui où la glace fut brisée, la vérité révélée, les actes manqués. Le film est aussi fragile que son héros. Et personne ne prend de gants avec lui. Tout le monde le croit solide. Comme du verre. Et un jour, ça casse.
Film impressionniste, où tout n'est pas dit, où beaucoup se devine, Le dernier jour n'est pas exempt de défauts, comme toute oeuvre de jeunesse, mais nous happe facilement grâce à la force de ses mystères. Malgré le grain grossier, peu lisse, et peut-être grâce à une musique romantique, lyrique, sensuelle et même ludique, le film oscille en permanence entre deux états d'esprit, entre deux élans. Aux bruits stressants d'un train qui grince sur ses rails s'opposent les respirations, les mouettes, l'océan. Aux plans solitaires un peu complaisants contrastent les querelles familiales très bien rendues. Le parfum énigmatique et marin enveloppe cet hiver amoureux et passionné. Trouble, comme ses personnages. Secret comme son sujet.
En premier lieu, Simon, fils de Marie, adolescent beau et sensible. Le film dépeint son intimité et photographie ses désirs. Mélancolique. En souffrance. Ce qui n'empêche pas des scènes cocasses ou fêlées. Notamment ce délire breton où Nicoletta fait danser un banc de pêcheurs. Simon est toujours décalé, à part, largué. Il n'assume pas qui il est, ne comprend pas pourquoi il est (comme ça). Joli essai qui prend ses influences chez Ozon, Ducastel, Morel et surtout Lifshitz (Presque Rien). Marconi filme en effet son garçon idéal, qui voit son innocence se détruire à coup de révélations et de réalités, comme un objet soufflé par les vents. Rarement, le plaisir l'emporte. Et même sa sexualité, intérieure, cachée, sensorielle, se résume à un simple acte solitaire. A l'image de lui-même.
Beau portrait d'une jeunesse paumée, incapable de communiquer, en quête d'amour, d'appui, en révolte permanente mais sans aucun but. La contemplation sensuelle et l'inceste inavoué tendent le film de bout en bout. Le malaise est installé, insufflé. En quelques scènes clefs, on comprend la tragédie de cette famille, sans trop de mots, sans trop de bruits. L'oppression cherche des espaces de liberté, mais aussitôt la caméra enferme nos envies de grands larges dans des cadres, des grilles, des fenêtres. Le cinéma, à ces instants là, devient artistique, expérimentale. Sensoriel.
Le scénario préfère se fragmenter (s'éparpillant entre ses personnages qui se perdent de vue) et nous perd un peu en cours de route. Les phares breton (décidément un trip phallique propre à Ulliel) ne sont pas suffisants pour servir de repères. On attend l'accident. Cette rupture narrative annonce les différentes ruptures émotives.
Les dialogues vifs, la musique variée et à chaque fois dans la tonalité de la séquence, le froissement des corps font de ce dernier jour une expérience à laquelle on adhère ou pas, selon ses humeurs. Si le couple bougon et amer Malavoy / Garcia nous ramène à terre, le personnage d'Ulliel, poétique, doux, innocence et pourtant pas net, offre une rêverie bienvenue dans ce monde cynique.
On regrettera quelques scènes trop longues (la partie de tennis) ou quelques étirements inutiles en milieu de partie. Pourquoi répéter la scène de la piscine quand on comprend tout dès la première? Pourquoi introduire si primitivement le personnage de Todeschini, qui n'apporte pas grand chose et nous dévie vers un personnage de mère trop allégorique pour être crédible. Mais, le visage magnifique de Simon assis à la place du mort, jouissant de sa petite mort, filmant sa propre mort, dévoile ce malaise imperceptible que nous saisissons dès les premières minutes. Le dernier jour> est peut être le premier de sa nouvelle vie. D'ailleurs le cinéaste ne pouvait se résoudre à le tuer. Amoureux de son acteur, tous les défauts sont liés à cet aveuglement. Ce qui est finalement pardonnable car irrésistible.
vincy
|
|
|