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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Dias de Santiago
Perou / 2004
10.11.04
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CHUTE LIBRE
" - Nous sommes partout, mais pourtant personne ne nous reconnaît"
On a coutume de dire du cinéma d’auteur qu’il est un acte de courage voire de bravoure. Avec Dias de Santiago, celui-ci retrouve cette veine provocante et engagée qui semblait depuis si longtemps lui faire défaut. Avec bonheur. Parce que du haut de ses deux décades, il entreprend de poser un regard critique sur son pays natal, le Pérou, Josué Mendez le débutant, force d’ores et déjà le respect. Là où certains optent pour l’outil documentaire, preuves et témoignages à l’appui, ce dernier, a privilégié la fiction pure et simple. Un choix sans doute plus stimulant mais bien plus périlleux à l’arrivée. Mais qu’importe, puisque le réalisateur ne s’embarrasse jamais de faux-semblant. Son récit est rectiligne, simple, son histoire d’un jeune militaire revenu parmi les "civilisés" n’a rien d’originale. Le traitement qu’en fait le réalisateur, frôle la perfection.
Attentif et sérieux, il suit Santiago Romãn son héros, caméra à l’épaule, déambulant dans l’immensité de Lima, qu’il redécouvre après des années d’absence. Une errance douloureuse au propre comme au figuré. Engagé volontaire, héros malgré lui, le jeune Santiago n’espérait aucun accueil triomphal ou cérémonie de bienvenue. Mais le sort que lui réserve cette société hautaine et amnésique, dépasse l’entendement. Trouver un travail, reprendre ses études, obtenir une pension de vétérans ou échanger quelques paroles innocentes, prennent des allures de chemin de croix. Malgré la violence et le mépris qui l’entoure, Santiago résiste et continue à croire à des jours meilleurs. Il a vécu bien pire ailleurs. Jamais Josué Mendez n’endosse l’habit de délateur ou celui de donneur de leçon, sur ce monde agressif qui entoure son personnage. Le chaos qui habite Lima n’est ici qu’un décor. Effrayant et suffocant. Et ce n’est qu’au détour de ses rondes, à bord de son taxi improvisé, que Santiago découvre la véritable nature de ses compatriotes et de ses proches : une famille éclatée où perdure un secret malsain, une épouse intéressée, une jeunesse frivole et sans repères, happée par la drogue et une délinquance palpable et réelle que rien ne semble pouvoir endiguer. Josué Mendez pouvait dès lors céder à la facilité en teintant l’écran de rouge sang. Mais rien de tout ça. Le choc ici passe par la mise en scène et la parole, à travers la voix-off monotone et rauque de son héros qui traverse tout le film et les innombrables saynètes filmées en noir et blanc où Santiago laisse champ libre à ses démons dans un bruit assourdissant. Comme ses illustres prédécesseurs Hemingway, Erich Maria Remarque ou Dalton Trumbo entre autres, Josué Mendez dresse un constat aussi amer qu’édifiant : les héros ne sont plus !
La réussite incontestée et incontestable de Dias de Santiago doit aussi beaucoup à son acteur principal. Physique et visage d’enfant perdu, regard hypnotisant, cheveux ras et épaules et poitrine gonflées, Pietro Sibille incarne un Santiago à la fois touchant, apeuré et énigmatique. Au jeune homme calme et serein qui voyage à travers Lima, répond une bête au bord du gouffre de la folie et de la mort (magnifiques scènes du cours de drague et de fin). Puisqu’il incarne, comme Robert de Niro dans Taxi Driver, le rôle d’un chauffeur de taxi en proie à la folie, Pietro Sibille n’échappera sans doute pas à la comparaison. Les deux acteurs n’ont pourtant rien en commun. Si ce n’est l’immense talent et une "beauté" physique indéniable. On ne peut que souhaiter à Josué Mendez et Pietro Sibille, le même sort que le couple célèbre incarné naguère par De Niro et Scorsese. Pour Dias de Santiago, cette conjugaison de talent brut a finit par transformer un tout premier film en une œuvre magistrale et inoubliable. Chapeau ! jean-françois
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