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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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She Hate Me
USA / 2004
17.11.2004
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UN PERE A VENDRE
Une chose est sûre, on ne peut pas reprocher un excès d’académisme aux réalisations de Spike Lee. Même s’il n’a jamais vraiment échappé à la linéarité du récit classique et aux structures nécessaires du cinéma, il parvient à imposer un rythme propre à ses films. Au mépris, parfois, de l’équilibre des séquences et d’une clarté confortable, She Hate Me n’échappe pas à la règle. Pour certains, cette mise en scène relèvera d’une volonté libertaire et jazzy, pour d’autres, d’une mauvaise finition.
Le film commence dans une atmosphère lumineuse assez naturaliste. Lee tente de reproduire fidèlement le milieu des affaires new-yorkais. Cependant, la composition des personnages fait rapidement vaciller le film du coté de la comédie de mœurs, voire de la satire. Un professeur allemand débarque avec ses gros sabots en bois et son accent à couper à la hache et le bal des stéréotypes peut commencer. She Hate Me fustige l’amoralité de certaines opérations boursières. Dommage que ces bonnes intentions soient diluées dans un scénario souvent contre-productif. La description simpliste, voire manichéenne, de la société de biotechnologies de laquelle se démarque rapidement le héros n’offre pas d’éléments de réflexion au spectateur. Forcé à accepter le licenciement d’Armstrong et ses raisons sans trop les comprendre, comme une embrouille technicienne, il sera contraint à ne distinguer que deux camps : les salops et le héros. Le cynisme niais des deux patrons, sommairement interprétés par Woody Harrelson et Ellen Barkin, va dans le même sens. Une mise en scène responsable, expliquant les tenants et aboutissants, aurait donné un crédit supplémentaire à cette critique pourtant légitime.
D’autre part, peut-être trop peu convaincu, lui-même, de la pertinence suffisante de son sujet, Spike Lee s’est senti obligé de rajouter une thématique sociale supplémentaire, très loin de s’intégrer harmonieusement dans le contexte de départ. A vrai dire, le deuxième sujet n’a aucun rapport : le scénario pose la problématique morale de la maternité homosexuelle conjuguée à la prostitution d’un tiers paternel (le héros payé pour sa semence). Le film donne son approbation avec aplomb, à travers le procès final. Ces thèmes graves sont traités avec une légèreté et une assurance confondantes. On pourrait croire que, sûr de son style, le réalisateur new-yorkais ne prend parfois plus la peine de mesurer sa responsabilité de créateur. La moindre des éthiques étant d’argumenter ses prises de position.
Il reste alors au spectateur à apprécier (ou non) un humour assez particulier, à travers une compilation de scènes au jeu délibérément excessif, allant parfois jusqu’au grand guignol. Lee prend une certaine distance formelle sur les clichés ambiants de la société américaine. Les mafiosi, les youpies, les lesbiennes, la femme d’affaires moderne jouent leur petit rôle avec l’évidente conscience de leur masque social. Chacun se contente en fait d’imiter l’image dominante de sa classe, de sa communauté ou, dans le cas de Turtorro dans une posture d’Al Pacino (il va jusqu’à réciter les textes du Parrain en le parodiant), de son personnage. Le système incite les indécis à tirer leur personnalité des pictogrammes de la pop culture, et leur permet d’agir comme des automates en roue libre. Lee, qui a toujours su filmer ses protagonistes comme des archétypes, trouve là un propos à la mesure de son style.
Malgré son surjeu continuel (sauf chez le héros, Jack), malgré l’aspect synthétique et quelque peu suffisant de l’ensemble, le joyeux mélange de She Hate Me peut gagner la sympathie de son auditoire, brillamment accompagné par le jazz cool et élégant de Terence Blanchard. Axel
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