Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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The Clearing (L enlèvement)


USA / 2004

24.11.04
 



LA RAVISSANTE ET LE RAVISSEUR





"- Tout le monde souffre, pas vrai?"

En apparence, ce film indépendant a tout l'air d'un bon thriller d'auteur. Il a ce je ne sais quoi de fascinant, essentiellement porté par trois grands comédiens. Mais il a aussi - très vite - atteint sa propre limite, narrative surtout. Car on comprend vite que les deux histoires racontées en parallèle ne le sont pas dans le même espace temps. L'une se déroule sur des jours et des jours quand l'autre n'a que 24 heures de vie. Dès lors on devine l'issue certaine d'un des protagonistes.
A cela s'ajoute un autre défaut, plus gênant d'un point de vue cinématographique, en l'absence de profondeur. Certains échanges entre le ravisseur et son kidnappé, certaines séquences autour de la ravissante épouse du disparue, aurait mérité un traitement qui donne plus de sens à cet acte imprévisible. Une dimension plus générale - humainement et socialement parlant - n'aurait pas dénaturer le film. Le récit semble du coup trop superficiel face à tant de gravité. Ce sentiment est renforcé par la séquence finale, relativement hors-sujet, et légèrement sirupeuse.
Pourtant. Ce portrait de deux Amériques, celle de Redford, opulente, et celle de Dafoe, en détresse, pouvait donner lieu à un duel passionnant. D'autant que le premier a acquis son statut avec la force de son travail quand l'autre devient un bête terroriste sans morale. Dans le même genre, The Edukators, bien que plus didactique, renvoie deux conceptions du monde plus légitimes, plus nuancées, moins manichéennes. On a du mal à voir Redford comme quelqu'un qui n'aurait pas mérité sa vie, et Dafoe comme quelqu'un qui justifierait son acte. C'est aussi pour cela que le film se détourne de son propos pour aboutir aux relations entre deux époux et finalement au bilan d'une vie, où il ne reste que l'amour, et son relatif échec. Cela donne la plus belle séquence du film : la confrontation de l'épouse et de la maîtresse. Helen Mirren prouve là tout son talent. Elle apporte une beauté intérieure à son personnage, sans surjouer, sans extravagances hollywoodiennes. Elle encaisse, à merveille, chacun des coups. C'est ce qui donne le relief au film : sa sobriété. Le couple est immédiatement uni dans le regard du spectateur. Même si Redford a pris un sérieux coup de vieux. La musique de Craig Armstrong épouse parfaitement les allers retours entre la forêt, la ville et la villa. La photo est soignée. Le film est élégant. Et se salit dans la boue le temps d'une scène bestiale, et certainement la plus identitaire, un combat entre deux hommes plus trop jeunes qui se battent pour leur survie. Il y en a un qui a une morale, l'autre pas. L'intelligence peut être notre pire ennemie. En cela le profil psychologique et son adéquation dans le scénario sont justes. D'inquiétudes en non dits, de scènes muettes et courtes en échanges verbaux brefs et incisifs, le film ne s'embarrasse pas de beaux atours et de jolis apparats. Ce dénument correspond très bien au sujet central du film : la possessivité, sale virus qui nous conduit à être égoïste, cupide, exclusif.
L'Enlèvement dépossède une famille de son principal fournisseur de cash, de son repère (le père) aussi. Elle oblige au partage : les souffrances, les questions, les vérités, l'amour d'un individu. C'est hélas trop allégorique pour que l'on puisse se laisser transporter dans ce deuil final. Accepter sa place dans le monde n'est pas une réponse suffisante, alors peut-être que la clarification que nous attendions était trop confuse à l'arrivée. Tandis que Redford s'interroge sur la trace affective qu'il va laisser, le film, au final, n'en laisse presque pas. Ca se voulait sauvage, et c'est trop domestique. Pas assez intense, voilà tout.
 
vincy

 
 
 
 

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