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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Bloody sunday
Royaume Uni / 2002
30.10.02
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I CAN'T BELIEVE THE NEWS TODAY...
"- Ceci est une marche pacifique."
La force de Bloody Sunday réside avant tout dans sa véracité. Il est bien sûr difficile de rester de marbre face à cette évocation des événements du 3O janvier 1972 : la bêtise et l'injustice du massacre perpétré par l'armée britannique éclatent ici au grand jour, et le caractère avéré de ce drame confère au film une dimension extrêmement poignante. Comme pour mieux souligner cette dimension historique, la mise en scène de Paul Greengrass adopte un parti-pris de " réalisme " relativement efficace : le grain de la pellicule et la caméra à l'épaule donnent au film l'aspect d'un " vrai-faux " documentaire d'époque, comme si l'on nous donnait à voir les images tournées par un reporter pris dans la tourmente de l'événement. Ce parti-pris est d'ailleurs très bien renforcé par l'interprétation des acteurs, tous très crédibles.
Mais l'intérêt du film dépasse largement les effets de réel et la simple efficacité dramatique. Bloody Sunday est certes un hommage aux victimes, mais il ne verse ni dans la grandiloquence, ni dans le manichéisme simpliste. En outre, Paul Greengrass parvient à éviter l'écueil de la dramatisation scénaristique par laquelle la plupart des films historiques entendent s'attirer la sympathie du spectateur. Car si le film est en partie centré sur ses personnages principaux, ce n'est pas pour réduire l'Histoire avec un grand " H " au rang de simple contexte général. Autrement dit, Bloody Sunday ne se contente pas de jouer la carte de " la petite histoire dans la grande histoire ", mais aborde l'histoire tout court, en donnant à voir la structure même d'un événement historique. À cet égard, le principe de montage adopté s'avère très intéressant. Le film suit en effet la chronologie de l'événement en juxtaposant les séquences, qui sont simplement entrecoupées de passages au noir. Cette alternance permet au spectateur de suivre la genèse du drame en montrant la façon dont chaque micro-événement est vécu et interprété par les différentes forces en présence. Un enchevêtrements de causes souvent minimes finit ainsi par aboutir au drame : c'est à la fois absurde et inéluctable, explicable et insaisissable. Le film parvient à faire ressentir cette complexité de l'événement en laissant dans ses interstices (les passages au noir entre chaque séquence) l'énigme de l'événement, comme si la juxtaposition des séquences symbolisait l'impossible communication et le repli sur soi de chaque communauté. Un repli sur soi qui apparaît ainsi comme la cause souterraine et fondamentale de cet événement dramatique.
Inutile de dire que dans la période que nous vivons, le film acquiert alors une résonance pour le moins troublante. benjamin
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