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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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JOHNNY DOPE
Quelques mois après Traffic, la somptueuse audace de Soderbergh, Ted Demme nous livre un autre regard sur les dealers et la drogue. Un regard moralement pas si différent, puisque la famille est là aussi au coeur des justifications; mais un film artistiquement moins marquant et plus centré sur son personnage principal. La famille, c'est celle des parents, la sienne, mais aussi la bande de copains californiens ou les amis du cartel de Medellin.
Blow fait passer un bon moment, qui s'étire un peu trop sur la fin, après une histoire rythmée et raccourcissant près de 25 ans de la vie d'un homme. Trahi par sa mère, puis par sa femme, sans parler de ses différents associés, il perdit plus qu'il ne gagna. Ses seules attaches furent son père, son idôle - admirable Ray Liotta - et sa fille, sa raison de vivre.
En ce sens, Blow est un film sur les erreurs humaines, et les sentiments. L'argent, ça va, ça vient. La scène la plus frappante est incontestablement celle où Penelope Cruz gueule après son mari à propos d'un manque de fric, terrible séquence maritale et quotidienne qui fait écho à celle entre Ray Liotta et Rachel Griffiths, ses parents.
Mais Blow c'est avant tout l'ascension et les déchéances d'un gringo "magico" qui fera rentrer la coke colombienne de Pablo Escabar sur le sol américain. Le film accuse toute l'Amérique de se shooter à la poudre. Mais il ne va pas plus loin. Cette absence de critique ou de discours fait que le scénario glisse sur le spectateur sans jamais l'atteindre. Il faut arriver au final, plus sentimental, pour comprendre la douleur de cet homme qui n'aura jamais fait les bons choix.
Esthétiquement, les décennies qui passent sont bien retransposées. L'insousciance, l'énergie, la vie sous l'emprise de drogue est bien rendue. Les gens en deviennent fous, en dehors des réalités. Leur excentrisme les font paraître pathétiques. Le casting est impeccable. Cruz, Reubens, Potente, Molla, Griffiths donnent le meilleur d'eux-même dans des seconds-rôles haut en couleurs. Depp se défend bien, même si on croit difficilement à son vieillissement, à son gros bidon.
La réalisation n'est jamais très originale. mais reconnaissons que le montage la sauve souvent de la platitude avec des scènes photographiées plus que filmées, des personnages délirants, immoraux mais si séduisants. Le script est efficace.
On baigne donc dans l'enfer du fric, de l'herbe, de la coke et de l'hypocrisie américaine. Mais l'oeuvre reste superficielle parce que Demme ne sait pas quel film choisir : le docu sur la dope ou les relations humaines d'un dealer. Si Blow bluffe par certains moments, les multiplications de situations tiennent plus lieu de la chronique en quelques chapitres que de l'analyse psychologique de son "héros".
C'est pourtant dans cette phase de conscience vis-à-vis de son père ou de sa fille, que le film prend sa réelle épaisseur. Mais jamais on ne sent la parano dans laquelle il aurait pu tomber, ou l'abîme dans lequel il plonge. Il aurait fallu une opinion un peu plus critique, positive ou négative, sur le sujet. Dans Traffic, l'itinéraire de chacun menait aux doutes voire à la remise en question de leur rôle sur terre. Ici, l'impasse conduit à des certitudes : celle d'avoir échoué. vincy
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