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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Final Cut
USA / 2003
23.02.05
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MEMORIES OBSESSION
" - Je pardonne des péchés qui ne peuvent plus être punis "
Q’un jeune non américain tout juste âgé de 27 ans réalise un film aux Etats-Unis n’a à priori rien de novateur. Que ce même "gamin" prenne, dès sa première réalisation, un malin plaisir à détourner et briser net les codes et les schémas du cinéma à grand spectacle a de quoi laisser pantois. Ne cherchez pas ici quelconque trace d’une Babylone futuriste et cybernétique ou d’un complot interplanétaire organisé par des petits hommes verts, rougeoyants ou jaunâtres. Non. Si le sempiternel et baveux concept de "l’anticipation" est très clairement exploité, Final Cut échappe cependant à toute classification ou comparaison. Soucieux de ne pas trahir une histoire originale dont il est l’auteur, Omar Naïm use royalement et efficacement de l’apparente confiance offerte par les producteurs du film. On n’est jamais mieux servit que par qui vous savez. Loin de vouloir épater la galerie, le réalisateur insuffle à Final Cut un tempo et une approche réaliste des plus étonnants. Opter pour le spectaculaire d’un scénario narrant la possibilité pour le commun des mortels de stocker, grâce à une puce révolutionnaire implantée à même le cerveau, les souvenirs de toute une vie – auxquels se mêlent les actions violentes d’une troupe de hippies contestataires – aurait sans doute assurés la gloire de tout réalisateur lambda.
Peu enclin à première vue à singer une partie non négligeable de ces nouveaux confrères, Naïm se focalise d’abord sur la vie et la personnalité d’Alan Hakman (Robin Williams) son héros, sorte de "croque-mort" moderne des souvenirs. Si le personnage n’apparaît jamais comme sympathique ou déplaisant, l’étrange pré générique et l’apparente froideur des séquences jettent le trouble sur la suite des événements et le devenir d’Hakman. En réalisateur précoce et diablement doué, Naïm abuse des changements de rythmes et de tons, susceptibles d’accroître le suspense et l’intérêt du spectateur. Aux moments quasi élégiaques générés par les films "crées" par Hakman (dont deux splendides saynètes : celle de l’accouchement vu par le nouveau-né lui-même puis celle de ce vieil homme qui rajeunit à mesure qu’il se brosse les dents) répondent d’autres plus angoissants mettant en lumière la dangerosité du concept de la puce Zoé. En adoptant une vision plus neutre que manichéiste des agissements d’Hakman (a-t-on le droit ou pas d’effacer les souvenirs, même les plus abjects ?), le réalisateur implique directement les spectateurs dans le débat créant au passage un malaise évident et palpable. Et fait passer ces derniers, du camp du Pour à celui du Contre et vice-versa au gré des situations. La maîtrise de Naïm est plus éloquente et plus admirable encore lorsque Final Cut bascule vers le thriller intimiste et consciencieux. Le spectateur n’est pourtant pas au bout de ses surprises. Si le suspense de Final Cut se fait moins oppressant à mesure que les masques tombent, Naïm refuse toute facilité scénique, balayant d’une main la glorification de son héros et ne cédant à aucun moment au diktat du "happy end".
Si la séquence finale opposera bon nombre des spectateurs de Final Cut, elle illustre pourtant la vision très personnelle de Omar Naïm à laquelle Robin Williams, Mira Sorvino et Jim Caviezel ont su admirablement prêter leur talent et leur étonnante sobriété. Et tout cela en 1h30 de temps sans effondrements de building, de froissements de tôles ni de décalitres d’hémoglobines déversées. On est encore sous le choc. jean-françois
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