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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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The Life Aquatic with Steve Zissou (La vie aquatique)
USA / 2004
09.03.05
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LES TRIBULATIONS D'UN ZISSOU EN MER
"- On n'a jamais été de très bons maris toi et moi. Mais j'avais une excuse. J'étais à moitié homo.
- Il paraît qu'on l'est tous!"
Hommage à Jacques Cousteau? Peut-être pas tant que ça, au final. Mais c'est indéniable, Wes Anderson a voulu recréer cet univers désuet de la vedette du Monde du Silence. Ici le monde est sacrément bruyant. Et honte à nous, franchouillards en mal de réalisme social, de ne pas avoir eu l'audace d'écrire une telle histoire. Mais a-t-on un cinéaste aussi créatif qu'Anderson? Sa liberté et son goût pour les expérimentations narratives trouvent peut-être leur limite dans un manque de profondeur (cruelle ironie pour un film explorant les abysses) et un scénario manquant parfois de liant, de rigueur. Bill Murray, le film reposant entièrement sur son immense talent, ne peut, hélas, pas nourrir de son seul génie les quelques séquences moins inspirées. Si le script manque d'attaches, de noeuds, mais pas de bite (il suffit de voir le slip bariolé et bien rempli d'Owen Wilson), il est surtout imaginatif et délirant à souhait. Tout est dans les petits details qui rendent les protagonistes excentriques, avec une morale bizarre. Et ils nous plaisent bien.
Nous ne sommes jamais sûrs que tout cela soit bien maîtrisé, mais pourtant cet aspect bordélique donne son sens à la vie. Sens de la vie? Dans ce monde qui s'écroule, où ses documentaires sont en voie de disparition, les situations surréalistes et les réactions absurdes nous leurrent. Si rien ne se passe comme dans un film normal, et c'est ce qui le rend drôle, si une douce folie envahit tout le projet, ce n'est que pour masquer les regrets, les échecs, la mélancolie. La désillusion et le questionnement sur son propre déclin rappelle ainsi davantage les personnages de Alexander Payne. About Zissou a les mêmes élans cocasses qu'About Schmidt. Mais le film de Wes Anderson est le plus sombre de sa filmographie. La mort y rode du début à la fin. Le personnage principal, lui-même, hésite entre compilation des meilleurs moments et éloge funèbre. "Je me déçois moi-même." Ce savant fou, utopiste, loin du monde du fric ("J'ai jamais vu un employé de banque prendre autant de risques!"), impulsif et piètre stratège, est touchant. Certes il préfère la vengeance à la protection d'une espèce en voie d'extinction. Mais ses bateaux extraordinaires accueillent un monde cosmopolite, solidaire, un peu anar. S'il est bon pour la retraite, cet épouvantable bonhomme, vaniteux et égocentrique, a du panache et la poisse. Le mélange inusité des deux en fait un glorieux loser, ou un leader enfantin. Dans la scène finale, il partage ses rêves, son joujou, son pays des merveilles avec toute sa "famille", rival compris. La générosité de cette séquence le rend humain et beau. Que du bonheur!
Et l'on revient alors à Cousteau. La recherche du temps perdu, et notamment notre jeunesse. Bande de déglingués ou d'ados en vacances et qui s'amusent à jouer dans un film hollywoodien. Sans les moyens. Cela devient une scène de tir sur le bateau ou celle dans l'Hôtel Citroën. Murray fonce sans sourciller. Explosifs et pastiche. Nous sommes plus proche du Magnifique de De Broca que de Rambo, côté héros. Du toc. Hilarant. Anderson se moque avec jubilation des films à la Bruckheimer. C'est dans cette naïveté, cet esprit de gaminerie qu'on tisse un lien invisible entre The Life Aquatic et le personnage de Cousteau. Les deux sont irréels, saturés de couleurs, visent nos coeurs d'enfants. Mon marin, ce héros. Jusque dans la bio du célèbre explorateur, qui a d'étranges similitudes dans ce scénario.
Cependant, le film regarde ailleurs, si l'on y regarde bien. Les jolies formules, le casting très classe, les situations inattendues en font une comédie exotique. Un mix d'Italie, d'Antilles et de Pacifique Sud comme décors donnent un mélange de genres sur la pellicule. Certes, tout le monde pète les plombs sur un bateau qui pète ses fusibles. L'orque joue très bien. Les deux dauphins albinos, censément intelligents (on attend la preuve) aussi. Dans cet univers sous marin, les espèces ne sont pas issues de l'Encyclopédia Universalis, mais bien de la tête d'un animateur ayant travaillé avec Tim Burton. Nous sommes immergés dans le fantastique. Musicalement, Bowie se voit remodeler à la sauce brésilienne. Poétique. Mais surtout Wes Anderson ne s'arrête pas à décrire un aquarium déjanté. Le monde de ce néo-Némo est avant tout l'histoire d'une famille recomposée. A l'instar des Tenenbaum. Fil conducteur de sa filmographie, la relation père est fils s'avère complexe, frustrée, en mal de reconnaissance. D'autant qu'elle se complique avec un Willem Dafoe, excellent, qui reprend le rôle de Wilson dans The Royal Tenenbaums : celui qui veut le fils à la place du fils. Toute sa détresse affective tient dans cette place qu'il a du mal à occuper naturellement ("Tu m'as placé à côté du dauphin. Ca représente beaucoup pour moi."). Cette famille génétiquement modifiée, sans pères finalement (Cate Blanchett largue son mec, Goldblum est homo, Murray stérile), met la barre haute : une société où les femmes portent la culotte (jusqu'à la révolte syndicale) et les hommes de dingues, doux et durs rêveurs. Le film est ainsi, presque, une suite, ou l'autre face du précédent du réalisateur. Un peu plus sous pression, un peu moins abouti, mais peut être plus fantasque, il est finalement un hymne à un autre Français. Cousteau, là encore, n'est qu'un leurre. C'est bien Jules Verne qui voyage dans ces lieux, sous les mers.
On vous commande un bonnet rouge et un Speedo? vincy
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