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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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De battre mon cœur s'est arrêté
France / 2005
16.03.05
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LA LECON DE PIANO
« C’est parce que tu fais du piano que t’es à côté de tes pompes, c’est ça ?
- Mais je ne suis pas à côté de mes pompes. T’as rien compris…
- Ca va nous rapporter quoi ? »
On ne change pas une équipe qui gagne à être connue, surtout quand celle-ci se trouve être française et propose un cinéma ambitieux dans ses projets et qui ne renie pas pour autant son accessibilité, un miracle en soit ces derniers temps de disette persistante. Avec cette deuxième collaboration, Jacques Audiard et Tony Benacquista, en pleine confiance de leurs moyens, poursuivront les orientations qu’ils avaient mises en place dans Sur mes Lèvres. Les heureux bénéficiaires seront bien évidemment le public qui se verra encore proposer du solide non prédigéré pas plus que réchauffé, mais une fois de plus également le casting embarqué dans l’aventure. Car Audiard fils aime les jeunes acteurs qui cherchent à faire leurs crocs, cela va même finir par se remarquer méchamment alors que les deux compères Kasso et Cassel avaient précédemment déjà trouvé chez le monsieur probablement la meilleure composition de leur carrière. Déjà servis, ils passeront leur tour puisque le cinéaste semble insatiable en nouvelles rencontres et c’est sur Duris le fringant que se portera cette fois-ci son choix. Premier constat, en adaptant cette vieille bobine culte, Audiard sait, après une sérieuse remise au format éclipsant drogues et violence paroxysmique, qu’il a la matière sous le coude pour renouer avec les thématiques qui lui sont chères. On retrouve par conséquent le personnage secret et décalé, qu’il suit au plus près dans son parcours initiatique, brisant ses frontières de l’intime avec transparence et virtuosité. De battre mon cœur s’est arrêté repose ainsi essentiellement sur les épaules de Duris, littéralement marqué à la semelle, une filature qui n’autorise que très peu d’erreurs. Le jeu en vaut la chandelle et validera le passage à la maturité d’un jeune gars habituellement plus porté sur la prestance excentrique et déconneuse. Bien naturellement, le réalisateur n’aura pas détroussé le jeune premier de son charisme naturel de coq lustré, mais l’aura juste détourné pour nourrir les contradictions de Tom, un garçon trop discret qui se cherche, entre une mère disparue et un père à la régression destructrice, entre un univers machiste qu’il fréquente mécaniquement sans en assumer tous les tenants et un mirage enfantin pour la musique, exutoire puis véritable sortie de secours vers un âge adulte idéalisé.
Dans un contexte hexagonal plus rationnel que sa version originale et principalement tourné vers l’émancipation au détriment de l’auto destruction contemplative, Audiard parvient à capter l’air de son temps avec une précision et une fidélité exemplaire. Des gouffres de la moderne solitude urbaine à la précarité ambiante (expulsion musclée du DAL et des squatters) tout est mis en scène dans la continuité subjective du quotidien de Tom, sans se répandre inutilement hors de la concision. La justesse s’étendra jusqu’à la peinture des sexes opposés, qui tournera en temps d’occupation de l’écran, en faveur de la frange masculine isolée dans ses préoccupations matérialistes et les élans de sa testostérone. Présences en retrait mais décisives (Aure Atika, décidément la bouffée d’air frais des milieux virils et cloisonnés après son apparition déjà trop fugace dans Le Convoyeur), chaque représentante de la gente féminine aux intérêts divergents signifiera autant d’indices pragmatiques pour s’extraire d’une condition périlleuse (quitter l’enfance pour ne pas y retourner trop vite, comme l’incarne Niels Arestrup avec talent dans la peau de Robert, le père désoeuvré de Tom). Implacable mais vrai dans sa généralité…
Au milieu de ces femmes endurantes mais sensibles et de ces hommes vindicatifs bien que friables, Jacques Audiard convie à un chemin de croix inspiré des plus enthousiasmant. Stylé et enlevé, son cinéma pulse d’une énergie salvatrice qui permet à la production française de relever le nez et promet l’ami Romain à de joyeux lendemains. De la valeur sure. PETSSSsss-
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