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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Les mots bleus
France / 2005
23.03.05
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ANNA ET CLARA PLEINES DE GRÂCE
« Je lui dirai des mots bleus. Ceux qui rendent les gens heureux. »
Soyons simples, Les mots bleus ont quelque chose d’indiciblement joli. Indicible pour des mots, même bleus, pas simple…Tout d’abord, Alain Corneau, à partir d’une histoire difficile à traiter sans tomber dans les écueils redoutés, est parvenu à faire un film d’une sobriété exemplaire. Ici, point de dramatisation à outrance, mais un pathos contenu donc touchant. Un autre réalisateur aurait pu nous faire observer l’histoire de l’extérieur. Alain Corneau lui, nous conduit véritablement dans la vie des personnages en nous les rendant proches et familiers. Le cinéaste nous livre un film maîtrisé clairement axé sur les gens et sur des histoires d’amour. Pour cela, il choisit le parti d’une mise en scène simplifiée à l’extrême (trop ?) avec l’utilisation de deux caméras filmant les personnages dans des angles différents. Des plans statiques s’entrecroisent et évitent toute fioriture pour se concentrer sur les échanges entre Clara, Anna et Vincent et sur les émotions qui s’en dégagent. Et l’objectif est atteint, même si l’on peut par moments regretter une certaine aridité dans le traitement qui est à la fois la force du film (pas de dramatisation exacerbée), mais aussi une faiblesse ponctuelle lorsque le réalisateur semble s’attacher à un dépouillement quasi total. Comme dans Stupeur et tremblements, certaines scènes semblent presque nues, presque théâtrales. C’est notamment le cas lorsque le numérique est utilisé (une partie du film est tournée en HD Cam et l’autre en 35 mm) car cela surajoute un côté cru déjà largement présent de par l’histoire.
Le film prend toute son ampleur avec le jeu de ses comédiens. D’ailleurs, comme le dit Alain Corneau, « c’est un film de comédiens ». Ce qui ne veut pas dire que le réalisateur a mis l’accent sur la direction d’acteurs. Pour lui, « il faut bien les choisir, puis les aimer tellement que cela les aidera à trouver comment exprimer les sentiments qu’ils doivent incarner ». Et c’est exactement cela que l’on ressent en regardant Les mots bleus. Beaucoup d’amour. Celui du réalisateur pour son histoire et pour ses comédiens et celui, intrinsèque à l’histoire et aux sentiments que les personnages se portent les uns les autres. Le tout repose pour beaucoup sur le regard de la petite Anna. C’est par elle que tout arrive, que tout prend sens. Son silence permet aux sentiments de prendre place et il permet aussi de toucher à la quintessence de chacun. C’est son mutisme qui renvoie au traumatisme de Clara et qui tisse les liens entre la mère et sa fille, entre Anna et son instituteur et entre Clara et Vincent. Et Alain Corneau parvient joliment à capter un peu de ses personnages. La petite fille est admirable. Sans dire un mot, elle véhicule une expressivité dénuée de tout sur-jeu et une simplicité extraordinaire. Le réalisateur confesse que s’il ne l’avait pas trouvée, il n’était pas sûr de faire le film tant son rôle est primordial. En voyant le film, on comprend immédiatement l’importance de la présence de la jeune comédienne Camille Gauthier. Pour le personnage de Vincent, cet instituteur mu par un très bel altruisme, le cinéaste a fait appel à Sergi Lopez et il a eu mille fois raison. Jamais le comédien a joué avec une telle justesse, une telle profondeur et une telle simplicité. Comme s’il allait à l’essentiel. Et puis il y a aussi Sylvie Testud. Loin de ses rôles survoltés, elle incarne ici une jeune maman retranchée dans un profond mal-être qui la coupe finalement de tout échange et qui la mure dans une relation exclusive, muette et exclusive avec sa fille. La complexité du personnage est parfaitement restituée. Avec peu de choses, et peu de mots, on appréhende parfaitement cette impossibilité à communiquer avec quiconque hormis Anna. Et la brusque sauvagerie qui émane de cette impossible communication est tout simplement bouleversante.
Avec finalement une économie de mots (c’est le comble pour un film qui s’appelle Les mots bleus !), Alain Corneau parvient à en dire beaucoup. Mais les mots bleus ne sont-ils pas les mots qu’on dit avec les yeux ?
laurence
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