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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Omagh
Irlande / 2004
23.03.05
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BLOODY SATURDAY
"- Il y a 2000 morts non élucidées depuis le début du conflit. Pourquoi devrions nous échapper à la règle?"
La demi-douzaine de jerricanes se remplit peu à peu de son improbable mélange de graviers et d’essence. Une poignée d’hommes calmes, impassibles, s’agitent autour de deux voitures banales garées devant l’entrée d’un bâtiment aux allures de grange désaffectée. Les bouches s’ouvrent ou se referment irrémédiablement, des indications et autant de gestes sont échangés entre les personnages. Aucun mot ni aucune parole ne filtre pourtant. La caméra filme à distance comme protégée derrière un buisson de fortune. Pas la moindre trace d’armes, de treillis militaire ou de cagoule noire. L’identité des escadrons de la mort de l’IRA besognant à leur marche funèbre vers Omagh ne fait pourtant aucun doute. La suite est une incroyable et terrifiante course contre le temps et le destin. Appliquant la même technique de mise en scène étriquée que Paul Greengrass (ici scénariste et producteur) dans Bloody Sunday, Pete Travis créé l’effroi et la panique avant même que la déflagration mortelle ne se fasse entendre. L'abominable explosion métallique qui succède à l’insoutenable compte à rebours imposé par le cinéaste apparaît presque comme une libération malsaine et volontaire. Chez le spectateur, le malaise est alors évident face au carnage qui se dessine une fois la lourde poussière dissipée. Parce que la télévision et la presse ont largement véhiculé les images atroces d’Omagh, Pete Travis choisit de ne pas en rajouter. Trop de sang et de corps démembrés desserviraient le véritable dessein d’Omagh.
Car en deçà du vibrant hommage aux victimes innocentes de l’IRA, Pete Travis et Paul Greengrass choisissent d’effleurer la complexité et l’absurdité d’un conflit persistant depuis plus de 30 ans. En pénétrant dans l’envers du décor représenté par les trop nombreuses familles endeuillées en quête de vérité et de justice. Aux murs d’incompréhension et de dédain érigés par les autorités policières succèdent les faillites de la justice et l’indifférence générale quant aux combats menés par Michael Gallagher et son association de victimes. Jamais pourtant Peter Travis ne profite du désarroi pour attendrir ou influencer les émotions du spectateur. Etonnamment humbles, les personnages d’Omagh ne cèdent jamais aux appels du larmoyant trop souvent en rigueur dans ce genre de production.
Mais c’est en s’appuyant davantage sur une veine documentaire rigoureuse et réfléchie qu’Omagh impressionne et acquiert une aura intemporelle et internationale. Accordant le même temps de parole et d’action aux innombrables protagonistes du film, Travis et Greengrass offrent simplement au spectateur les moyens de se constituer son propre avis. Partagé entre la volonté que justice soit faite, les revendications des séparatistes irlandais modérés ou extrémistes, les difficultés des gouvernants à contenter toutes les parties, le public n’a que l’embarras du choix. Le problème nord irlandais ne peut aucunement être pris à la légère. La sensibilité humaine encore moins. Car en dépit des complexités politiques, religieuses ou historiques, rien ne justifiait que les plus hautes autorités anglaises et irlandaises – et les services de renseignements britanniques– délivrent à l’IRA un permis de massacrer dans l’espoir de maintenir un accord de paix plus que fragile. 29 morts et 250 blessés pèsent toujours moins que des millions d’autres citoyens innocents. La morale est-elle sauve pour autant ? La réponse vaut d’être complexe. Mais que la plupart des auteurs de l’attentat d’Omagh puissent aujourd’hui encore se réveiller libres, ajoute un peu plus au désespoir.
Le cinéma atteint lui aussi ses limites dans sa volonté de décoder et de témoigner de la réalité. Rien pourtant ne saurait enlever à Omagh son authenticité et son honnêteté dans le traitement qu’il fait de l’un des crimes les plus odieux ayant ensanglanté l’Irlande. Le fait que les radicaux du Sinn Féin (branche politique de l’IRA) et du PDU (Parti Démocrate Unioniste) aient raflé la grande majorité des sièges à l’Assemblée d’Irlande du Nord en 2003 ne lui donne que plus d’impact. Les mères et les pères d’Irlande ne sont pas prêts de sécher leurs larmes. jean-françois
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