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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Les mauvais joueurs
France / 2005
20.04.05
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LE SENTIER DE LA PERDITION
"- Je viens te dire que je t’aime et toi, d’emblée, tu fous une ambiance de merde !''
Paris change. Et le vieux Sentier lui, se meurt. A l’heure où les start-up grignotent peu à peu, et dans l’indifférence générale, les derniers vestiges de la confection parisienne, l’étonnante fourmilière multicolore du quartier Sébastopol, poursuit son va-et-vient bruyant et rythmé. Si les arnaqueurs et escrocs en tout genres remplacent au pied levé les dernières prostituées de la nuit, c’est le ballet incessant des chariots à marchandises et des camionnettes de livraison qui l’emporte haut la main. Alors qu’asiatiques, africains, pieds-noirs et maghrébins vaquent à leurs occupations journalières, Vahé, Lu Ann et son jeune frère Yuen, semblent déjà avoir tiré un trait sur cet univers trop étouffant. S’il est encore de mise, pour ces trois enfants de l’immigration arménienne et chinoise, d’arpenter librement les ruelles étroites menant à la rue Saint Denis, des chaînes plus solides et moins visibles les maintiennent toujours à l’état de prisonniers. Le travail clandestin pour les réseaux chinois, la volonté pressante d’un père de voir son fils reprendre l’affaire de famille, les petits larcins organisés en bande pour quelques poignées d’euros, sont autant d’obligations dont les trois ''rebelles'' souhaiteraient s’affranchir. Avec leur naïveté pour seule arme. Car s’il n’y a aucune trace ici d’un Parrain monstrueux et sanguinaire ou d’une quelconque armée des ombres prêtes à châtier les brebis égarées, la sanction allouée à ceux qui cherche désespérément à sortir du rang, n’en est pas moins impitoyable. Car en dépit de sa légitimité, la quête rédemptrice des héros prend des allures de chemin de croix obscur et exténuant. Faisant fi des règles établies – et inviolables donc – Vahé, Lu Ann et Yuen vont à l’encontre des tabous imposés par leurs milieux et par la société en général. Et les éléments extérieurs et humains comme l’amour, la fraternité, la haine ou la mort les conduisent irrémédiablement à l’échec. Les perdants se ramasseront à la pelle.
Prenant appui sur le riche héritage laissé vacant par le polar français et américain, tout en se démarquant habilement des codes récurrents au genre, Frédéric Balekdjian construit une première œuvre d’une étonnante sobriété. En privant Les mauvais joueurs de tout élan spectaculaire, y compris dans la violence, le jeune cinéaste reste fidèle à une certaine vision du film noir. Cette attitude plutôt courageuse, au sein d’un cinéma français qui en manque cruellement, permet à Balekdjian d’exposer tout son talent de mise en scène et de réalisme. Se servant, caméra à l’épaule, de l’atmosphère suffocante et assourdissante du Sentier comme d’un personnage à part entière, le réalisateur parvient dés lors à rester au plus près de ses personnages. A ce décor impressionnant de vie, vient se greffer toute la dualité et le magnétisme des acteurs, Pascal Elbé, Linh-Dan Pham et Isaac Sharry en tête. Mais en alternant, parfois trop constamment, entre mise en scène sèche, nerveuse puis passablement posée, Balekdjian prive Les mauvais joueurs d’une chaleur et d’un optimisme bienveillant (les quelques éclairs de poésie du film pouvaient mettre l’eau à bouche). La séquence finale, aussi surprenante soit-elle, en est la parfaite illustration. Conscient d’avoir, peut-être, déjà assez rudement mis à l’épreuve le spectateur, Balekdjian clôt son film sur une ballade lyrique de Dominique A, intitulée "Tout sera comme avant". Et tandis que la caméra s’attarde sur le visage grave de Vahé l’insoumis, une petite voix intérieure semble nous aviser que pour lui, maintenant, il est déjà bien trop tard. jean-françois
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