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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Tacones lejanos - Talons Aiguilles (High Heels)
Espagne / 1991
15.01.92
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SERIAL DAUGHTER
"- Letal? C'est masculin ou féminin?
- Pour toi, c'est masculin."
Talons aiguilles fut le premier grand succès populaire d'Almodovar. Au point de contribuer au succès internationale de sa B.O.F. hispano-pop. Loin d'être le plus abouti des films du cinéaste madrilène, Talons aiguilles est surtout un virage financier. Les louanges autour de Femmes au bord de la crise de nerfs en ont fait un réalisateur très tendance. L'image, les décors, les extérieurs : tout est plus nombreux, respire une forme d'opulence de "nouveau riche". Tout est plus beau, donc. Mais plus accessible aussi. Film noir qui se déguise, il n'y a que la belle ambiguïté de Miguel Bosé pour nous rappeler les sources du cinéma almodovarien. Car l'ensemble est bien sage. Tirant déjà vers la noirceur qui annonçait sa période ultérieure. Une meurtrière à peine jugée, une mère indigne, un mari volage, ... Les personnages sont dénués de morale, et c'est ce qui les rend si attachants.
Almodovar commence ainsi à jouer avec les flash backs, les mélanges de genre, de la comédie musicale au film policier. L'histoire n'a rien de délirante, c'est son traitement qui l'est : on danse dans les prisons, on s'exprime en chansons, on avoue son crime en présentant le JT. Tout devient un révélateur des sentiments. Ce ne sont pas les gens qui permettent de connaître la vérité, mais le décor, le cadre dans lequel ils sont. Un écran de télé ou un night club, un tribunal (qui permet enfin la confrontation entre la fille et la mère) ou un appartement d'enfance (qui facilitera la réconciliation).
Talons aiguilles se perd un peu dans les méandres de son scénario et se désintéresse vite du crime, si encombrant. Almodovar traitera mieux l'affaire dans la mauvaise éducation. Mais on y voit aussi les prémices de son cinéma à venir : de nombreuses scènes seront reprises dans les films qui suivront. Esthétiquement, artistiquement, Talons aiguilles est moins fou que ses oeuvres "primitives" , mais plus aboutit. A l'image des deux comédiennes. Abril y est complètement assagie, parfaite en petite fille qui a du mal à grandir, effarouchée ou désespérée, elle pleure à chaudes larmes sur son destin mal contrôlé. Mais c'est Paredes qui nous bluffe. Grande dame, d'entrée, elle passe de la diva à la sainte, de l'insupportable à la compassion, de l'égocentrique à la défunte. Fascinante, entre la mente religieuse et la hyène débauchée. Elle ne meurt pas à l'ombre d'un crucifix, bien que l'ultime image soit très proche d'une icône mystique, mais à l'ombre de talons aiguilles démesurés. Magnifique scène. C'est à ce genre de petits détails visuels que le cinéma d'Almodovar reste unique. Beau et tragique. Emouvant et divertissant. Parfois maladroit car outrancier. Mais toujours touchant. Le film va chercher l'amour du spectateur, comme Abril est en quête d'une affection trop rare : celle de sa mère. Voilà, la mère, encore et toujours. As usual. Talons aiguilles est surtout l'héritier d'un Minelli. Ce n'est pas rien. C'est dire à quel point il le méritait son triomphe. vincy
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