|
Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
|
|
|
|
|
Les marins perdus
France / 2003
12.11.03
|
|
|
|
|
|
LES CAPRICES DE LA MER
"- On dirait que ça t’a plus de prendre des coups.
- Je les ai cherchés en tout cas."
Voilà un très beau film victime de ses langueurs et de sa condition auteuriste. Pourtant, ici, nulle déviation, nulle diversion. Claire Devers va toujours à l’essentiel, ne quitte pas ses marins, même lorsqu’elle filme les femmes. Mais avec une esthétique trop collée à la réalité, à la recherche d’un grand large perdu, ce film s’empêche de larguer les amarres pour nous emmener vers un horizon aussi mystérieux que le parcours de ces hommes. Et si les énigmes sont partiellement dévoilées, cette opacité constante ajoute à un scénario très simple une forme de rêve pas forcément évidente dans ce type d’histoire terre à terre.
Les personnages sont attachants, et bien interprétés, et offrent un visage cosmopolite sur ce cargo d’ennui, crado, rouillé, en rade. Un peu rustres, ces mecs, dont Giraudeau, parfait avec ce regard d’entre deux mondes, sortent de leur médiocrité sexuelle et même alimentaire grâce à des femmes : prostituée, jeune bimbo ou belle dame. Tautou, qui impose le ralenti, glisse à merveille dans les nuances de ses émotions. Trintignant rayonne par ce décalage permanent et cette beauté digne. On remarquera le jeune Sergio Peris-Mencheta, admirable naïf au physique proche de Bardem, tantôt niais, tantôt naïf. Ni beau ni laid, car il est bête. Devers arrêtera son voyeurisme au niveau de la main dans le slip. Mais clairement elle situe cette génération du côté de la testostérone plus que du côté des neurones.
Son regard est plus complaisant avec les quinquas. Ces hommes paumés à la recherche d’un brin d’affection larguée livrent un portrait hélas réel de la condition masculine contemporaine. Filmant aussi bien la virilité des mâles que le charme des corps féminins, elle se concentre sur leurs mouvements et leurs regards. Son cinéma semble fasciné. Et ce n’est pas la minceur des péripéties qui ici nous captive dans ce désert sentimental. Ces sombres héros de la mer semblent davantage en danger dans la ville, sordide, violente, menaçante. Drame fort et même intense, les trucs et les grecs s’y parlent ("on bouffe tous des feuilles de vignes farcies" restera sans doute l’une des répliques pacifistes les mieux senties du cinéma), mais chacun reste dans son univers, sa saleté, son crime impardonnable ou inaltérable. Un secret qui les enferme dans cette solitude qui les aliène. Tout cela est très beau. Mais jamais la tension ne monte assez, jamais l’histoire ne laisse planer une fatalité pour que nous soyons totalement en phase avec le pétage de plombs final. Le film perdant son dynamisme en cours de route, nous perdons quelques émotions au passage. Le réveil sera brutal et un peu déplacé. La narration aurait maîtrisé un peu plus de cohérence pour accentuer l’aspect tragique qui devait conclure cette relation triptyque. Une fin trop fade ? Le défaut se situe davantage dans la volonté de vouloir donner une métaphore plus littéraire que cinématographique en guise d’épilogue. Reste des pulsions et des rapports presque animaux entre ces mecs coupés de la civilisation, ayant le mal de terre, cherchant le pardon d’une femme et ne trouvant jamais la paix nécessaire pour reconstruire une vie. Ces marins perdus, parfois, nous ont trouvés. Vincy
|
|
|