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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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L'avion
France / 2005
20.07.05
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LONG COURRIER
C’est vrai qu’il est mort ton père ?
Naguère Cedric Kahn nous narrait les aventures d’un bandit sanguinaire, Roberto Succo ; ou portait à l’écran de façon élégante et juste le roman de Moravia L’ennui, il se lance aujourd’hui dans l’adaptation d’une bande dessinée : « Charly » du scénariste Denis Lapière. Ne parle pas aux enfants qui veut ; il y a des manières de le faire par des règles d’écriture que d’évidence Kahn ne maîtrise pas. Sur une la base d’une idée de départ assez simple (un gamin qui attend un vélo pour Noel reçoit un avion qui se révèlera, après la mort de son père qui est pilote, être magique) le réalisateur nous tricote un scénario confus et qui prend l’eau de toute part. Après plusieurs essais d’adaptation de sa bd, Denis Lapière a renoncé jusqu’à ce que Cedric Kahn lui-même « s’approprie le récit définitivement et tourne sa version » : le problème est là. Cedric sait nous raconter les errements meurtriers d’un gangster sans foi ni loi, tout comme il nous offre un inquiétant portrait d’un couple avec Feux rouges (2004) mais il ne sait pas donner dans le conte pour enfants. La réalisation, même si elle est soignée, reste ici d’un classicisme décourageant et déroule des plans qui n’en finissent plus de durer. On se croit par moments dans du cinéma en temps réel, comme Benoit Jacquot avait pu le faire en son temps avec La fille seule parce qu’il avait des raisons de le faire, d’ordre scénaristique. Ici, la longueur des plans ne sert qu’à masquer la faiblesse et les lacunes de l’écriture : Kahn n’a peut être rien à dire de bien consistant ou alors il le dit très mal. On ne fait pas du Spielberg aussi facilement que l’on croit et on n'a pas automatiquement la faculté qu’avait un Truffaut par exemple d’écrire pour les gamins et de les diriger devant la caméra.
L’avion quitte très vite l’univers de la bande dessinée d’origine pour évoluer vers un monde beaucoup trop réaliste où le rêve n’est plus crédible, si bien que le fantastique de la situation devient par moments presque ridicule. Les effets spéciaux sont assez laborieux et parfois, soyons clairs, franchement ratés : les scènes sur fond bleu sont par exemple esthétiquement navrantes. Il ne s’agit pas de glorifier les effets spéciaux venus d’Outre atlantique mais les Français ont les moyens de faire aussi bien que Lucas Films…. L’interprétation est assez étrange, entre une Isabelle Carré qui ne tourne pas rond, ne donnant aucune vraisemblance à son rôle de veuve éplorée, aucune consistance. Vincent Lindon ne fait qu’une brève apparition mais éthérée comme s’il n’était déjà plus là ; quand au jeune Roméo Botzaris il surjoue comme les enfants peuvent et savent le faire, tout en donnant une simili conviction à ce qu’il dit. Celle qui s’en tire au final le mieux est sa copine, Mercedes, jouée par Alicia Djemai qui nous fait un petit numéro de naturel fort sympathique. Si ce n’était son âge, on pourrait parler d’une vraie performance d’actrice... Tout cela fait qu’on a l’impression parfois d’être chez Rohmer avec cette façon distanciée et vaporeuse de jouer la comédie.
Le film se veut aussi une réflexion sur la mort vue et vécue par un enfant mais Kahn passe totalement à côté de sa thématique en ne distillant que quelques allusions pseudo psychanalytiques de seconde zone. S’il faut regarder cette œuvre comme un conte, avec toutes les libertés de narration que cela autorise, il n’en reste pas moins qu’il ne faut pas raconter n’importe quoi n’importe comment aux enfants et les prendre pour plus bêtes qu’ils ne sont : et dans ce film, ils ne se retrouveront pas tant le monde de l’enfance semble par moments lointain et vide de sens. Plus globalement, le film s’inscrit dans un paysage cinématographique français linéaire, sans grande imagination au point d’aller chercher des effets qui n’ont rien de spéciaux pour masquer le manque cruel de choses à dire. Olivier
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