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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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The Passenger
Canada / 2005
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COMMENT J'AI TUE MA FILLE...
"- Je n'ai pas eu confiance en ton père dès le début."
Le film est élégant. Belles images. Quelques plans somptueux. Un cadrage soigné. Cela contraste avec la noirceur de tous les personnages; Pas un pour rattraper l'autre, ou presque. Polar glacial et romantique, sensuel et meurtrier, The Passenger fait croiser des histoires d'amour avortées ou impossibles. Où sexe et argent forment un cocktail explosif, selon si l'on est attiré par l'un ou par l'autre. Dans les deux cas, on est capable de tuer.
De ces postulats, François Rotger tire un film intriguant, mais trop confus. Pour ne pas dire obscur concernant certains rapports humains. En allant à l'essentiel, le cinéaste a réalisé une oeuvre épurée. Mais, il a aussi retiré des éléments nécessaires pour la compréhension des motivations de chacun. A défaut de connaître leurs justifications, The Passenger réussit très bien à nous montrer les erreurs de chacun, les conséquences d'actes irrémédiables, se retournant toujours contre-soi.
Grâce à une caméra caressante ou violente, selon, charnelle ou froide, nous nous attachons plus facilement aux deux jeunes gens; l'amour encore un peu pur, loin de la corruption ou des obsessions, aidant sans doute. Mais en abusant des non dits, de nombreuses zones d'ombre gâchent un suspens devenu elliptique. Le cinéaste est plus inspiré avec des moments sans paroles, des silences magnifiés par la force des paysages toujours hostiles : industriels, venteux ou neigeux. Ou une chambre : lieu d'ébats parfois animaux, souvent brutaux, d'où se dégage un trouble agréable. Si bien qu'entre ses deux films - le thriller psychologique pas très clair et le drame romantique et sexuel - il y a comme un fossé. Le film serait comme bicéphale - deux pays, deux genres, deux histoires - mais sombrerait dans une schizophrénie à force de ne jamais se relier. A défaut d'un sens, il donne des impressions, opposant la douceur fragile des baisers avec la violence abrupte des vengeances.
Chronique d'un carnage annoncé, les personnages sont enfermés dans leur spirale destructrice : du père moraliste et filou au jeune yakusa incapable d'aimer, de l'ado perdue par tous ses hommes à cet occidental voyou. Sans parler de Gabrielle Lazure (qui a étrangement des airs de Judith Godrèche), incarnant Viv, femme insolite dans le décor, qui cherche à séduire à tout prix, à se rassurer. Qu'on la regarde encore comme une adolescente. Et elle se transforme alors en jeune fille timide et demandeuse. Elle sera évidemment prisonnière de ses propres chimères.
Tandis que notre "héros", gigolo japonais (indifféremment homo ou hétéro), tueur par opportunisme, fils renié, va se libérer de cette sale malédiction. L'horizon vierge devant lui n'est jamais que la promesse de sa renaissance. S'il y a bien un sujet dans ce film, c'est celui-ci : la survie d'un jeune homme déraciné, SDF, sans morale ni repères, bref l'illustration parfaite de la génération post-70, dans un monde cynique et violent. Passager éphémère d'un vol à la destination certaine. vincy
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