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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Lonesome Jim
USA / 2005
16.11.05
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SOUVENIRS D'UN PAS GRAND CHOSE
"- T'as une copine Evil?
- Non j'utilise des pûtes, c'est moins cher."
Le rôle de critique est, parfois, de faire partager un coup de coeur. Unique objectif pour que le lecteur ne passe pas à côté d'un petit joyau. Ce n'est pas forcément le plus beau des diamants. C'est parfois juste un objet de valeur auquel on s'est attaché au fil du temps. Lonesome Jim, réalisé par l'acteur Steve Buscemi, est un film inattendu. Vu le sujet, la dépression d'un presque trentenaire revenant chez ses parents, au milieu des champs, on pouvait craindre voir une complainte country grasse et triste.
Mais Lonesome Jim n'a rien de tout ça. Comédie pleine de dérision et d'ironie, le film est en fait une déclaration d'amour d'un fils à sa mère. Buscemi réalise un portrait subtil et sensible d'une génération cramée par le libéralisme, impuissante à concrétiser ses rêves dans une Amérique de plus en plus névrosée.
C'est bien ce décalage entre l'ambiance déprimante, ces échecs à répétition et des situations cocasses, des dialogues hilarants qui provoquent, spontanément, le rire. Pourtant le cadre est pas glorieux : chômage, familles monoparentales, matchs de baskets ratés, soirées dans des bars glauques, prison... Ces ploucs sont touchants parce que, fondamentalement, ils essaient de faire bien, et ça foire à chaque fois. Leurs rares éclairs de lucidité provoquent des catastrophes infernales. Pathétiques, malheureux, un peu cons, Buscemi parvient à ne jamais être cynique. Au contraire, en solutionnant les problèmes par l'amour, il permet à ces habitants de l'Indiana de sauver leur âme. Sans prière ni Dieu.
Parce qu'il les rend humains, jusqu'à détailler leurs failles les plus inavouables, le cinéaste, doté d'un excellent script, nous offre quelques grands moments (Jim apprenant à pisser en se retenant, pour justement cesser d'être un éjaculateur précoce : 10 secondes dans les bras de Liv Tyler). Grâce à des personnages, même les secondaires, riches et colorés, et au jeu tout en finesse de ses comédiens - notamment Casey Affleck (Ben devrait peut-être lui demander des cours...?), nous espérons que tout ce chaos familial retrouve un peu de son harmonie. le film agit comme un véritable anti-dépresseur, jusqu'à mettre un sourire sur le visage grave d'Hemingway.
Pas évident, il faut dire, d'être jeune, intelligent, cultivé et rêveur dans un monde primaire, vulgaire ou prolétaire. Pas facile de faire sa place dans cet univers trop grand pour soi; Surtout quand sa mère vous traite encore comme un petit garçon, avec possessivité et surdose d'amour. Que dire quand elle joue les intrus dans la salle de bain ou dans la chambre, alors qu'il est à poil ou qu'il regarde un porno. C'est toute cette relation, bien plus essentielle que celle avec Liv Tyler, qui est au coeur du propos. La réconciliation servira de "morale" au film. D'autant qu'il esquisse une autre filiation, avec le gamin de Tyler, monstre de maturité pour ses 7 ans, "apathique" à l'avance, et qui risquerait d'être victime des mêmes soucis que lui. Fatalité parentale?
Au contraire, Buscemi est déterministe, et dessine de l'espoir à travers la volonté et la liberté de chacun. La prise de responsabilité aussi. Derrière toutes ces répliques comiques, le réalisateur trace un contour social autour de gens qui refusent d'être factices, euphoriques, bêtement heureux, souriants ou gagnants. Tous ces losers qui refusent les discours positivistes ont ce supplément d'âme qui les rend plus riches qu'en apparence. D'ailleurs Lonesome Jim a l'apparence d'un film désespérant. Ne vous y fiez-pas : c'est une pilule de bonheur. vincy
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