|
|
|
ANAMOUR
Je ne pratique aucun sport mais j’ai une relation aisée à l’argent »
Ca commence par une descente de train en noir et blanc, et la voix de Pascal Greggory / Jean Hervey racontant sa vie de bourgeois nanti, sa femme Gabrielle, qu’il aime « comme un collectionneur chérit la plus belle de ses pièces ». On découvre sa demeure, cossue, décorée avec goût, son escalier monumental. Puis l’on passe à la couleur et l’on participe à l’un de ces jeudis « fameux », le jour de la semaine où les Hervey tiennent salon. Les dialogues sont vifs et spirituels, les mots d’esprit fusent, les piques fendent l’air et se plantent dans l’amour-propre de leurs victimes, avant que celles-ci ne se ressaisissent et ripostent. La bonne société s’amuse, mais on sent en dessous les espoirs fous, les susceptibilités froissées, les tensions cachées, la peur de perdre la face. On pense à Ridicule de Patrice Leconte, on se réjouit déjà à l’idée de vivre une histoire qui pourrait se dérouler dans le salon des Verdurin, si cher à Marcel, dans la Recherche. On attend. Mais rien.
Soyons justes, il y a bien là une histoire, celle d’un homme qui se découvre trahi, qui comprend qu’en réalité il ne savait rien de celle qui dort a côté de lui depuis plus de dix ans. C’est l’histoire, aussi, d’une femme littéralement impénétrable, muette souvent, dont l’on comprend qu’elle s’est desséchée à force d’attendre d’être aimée autrement que comme un objet d’art. Une femme partie étancher sa soif auprès d’un autre. Il y a bien là un mystère : pourquoi est-elle revenue ? pourquoi cette étrange phrase : « Si j’avais su que vous m’aimiez, je ne serais pas revenue » ?
Une histoire universelle en somme, qui aurait pu se dérouler en un autre temps, en un autre lieu, qui aurait pu être jouée sur une scène de théâtre, sans que cela n’enlève rien à la dramatisation. Malheureusement, et bizarrement, Chéreau n’apporte rien de neuf à cette tragédie mille fois racontée. De ses effets de style, (passage du noir et blanc à la couleur, écriteaux à la façon des films muets, ralentis…) on se dit qu’ils sont esthétiquement réussis - l'image est toujours très belle , mais on s’interroge malgré tout, troublé par cet usage de la forme pour la forme, et non au service du fond.
Évidemment, Pascal Greggory et Isabelle Huppert sont irréprochables, lui en gentleman d’abord très sûr de lui puis totalement destabilisé, passant par les affres du doute, la colère, l’impuissance, jusqu’au dernier cri de révolte, elle en maîtresse de maison tenant parfaitement son rôle, puis en maîtresse tout court face à son mari, opaque, mystérieuse, avec une touche de sadisme que l’on ne réussit vraiment à identifier que lorsqu’ elle joue avec sa jeune et jolie femme de chambre, la caressant de douces paroles pour mieux l’achever d’une pique assassine.
Malheureusement de bons acteurs ne suffisent pas à faire un bon film… asha
|
|