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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Vozvrashcheniye (Le retour)
Russie / 2003
26.11.03
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FILS & PÈRE
"- Trois jours avec ton père, ça te va ou tu préfères encore attendre douze ans ?"
Vous ne serez pas obligés de voir ce film russe comme une histoire réaliste, et par conséquent tragique. Mieux vaut même l’aborder comme une allégorie du passage à l’âge adulte, et abonder dans l’interprétation mythologique.
Comme souvent, héritage du cinéma soviétique, Le Retour excelle techniquement. Du cadrage à l’image, du son à la musique (électro), le film ne déçoit pas et livre de très beaux plans, amples, vertigineux, contemplant l’horizon infini et distant, sans renier les visages, si proches de nous, si loin entre eux.
Dans ce "road movie" qui termine dans une impasse isolée, nous avons plus l’impression de circuler dans un huis clos. De l’enfance adolescence dominée par la mère, les deux fils, dissemblables, passeront à une forme de maturité sous l’influence du père. Le cordon est coupé avec l’une quand il faudra "tuer" l’autre pour être complètement libre. La mère servait de refuge quand le papa, absent durant douze ans, s’incarnera en père fouettard ou mieux en Dieu le père. La tension psychologique dans ce trio masculin est restituée parfaitement par les comédiens et filmé avec justesse. Casse-gueule, car a priori le caractère du paternel n’était pas évident à cerner. En lui donnant l’image du Christ dès sa première image (allongé, les bras en croix, un drap pour cacher le bassin) et en nommant son retour comme s’il était le Messie ("Il est revenu."), le cinéaste prend un raccourci dès le début du film pour nous faire comprendre que l’histoire n’est pas banale, traditionnelle ou même réelle.
Nous sommes dans un rite initiatique vers la masculinité, par une succession d’étapes purement cinématographiques, et se traduisant par un discours faisant la gloire de la virilité dans son idée la plus simple. Il est étonnant que ce film fasse autant écho à l’autre grand film russe de l’année, Père et Fils, réalisé par Sokurov. On y retrouve cette défiance permanente, ce goût de la transmission et de l’apprentissage, ces non dits continuels - d’ailleurs on ne saura pas grand chose des secrets du père. Cela nous conforte dans l’idée que Le Retour n’est qu’une métaphore sur la métamorphose de deux frères. Les faits anecdotiques ou les mystères ne servent que de fils conducteurs pour maintenir notre attention.
Le portrait de deux jeunes russes nous passionne davantage. Mais reconnaissons aux scénaristes le talent de nous avoir brouillé les pistes jusqu’à la fin prédestinée. Les embûches créent les rebondissements mais sèment le trouble. Plusieurs pistes s’offrent à nous avant que le cinéaste ne se décide à en choisir une. Nous devinons, au changement de climat, les variations d’humeur des protagonistes. Il faudra le soleil serein du final pour comprendre la paix enfin trouvée. Dans ce "climax", le temps annonce le drame. Car l’on ne rit pas beaucoup. On s’ennuie parfois de certaines lenteurs. Mais en filmant au présent, en n’anticipant jamais les faits, en ne répondant pas à toutes les questions, Le Retour sollicite notre capacité à patienter, et à les accompagner.
Ils deviendront des hommes, certainement. La critique du père - très maladroit dans sa manière d’exprimer son amour - renvoie à la psychanalyse. Mais, comme nous vous le disions, le père, tel un fardeau, sera la croix à porter de ces deux "adulescents". Ce voyage intérieur nous aura comblé à défaut de nous transporter. vincy
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