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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Everything is Illuminated (Tout est Illuminé)
USA / 2005
14.12.05
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C’EST CITE
« Il y a ici beaucoup de personnes mal intentionnées qui cherchent à dépouiller les américains, voir à les kidnapper… Passe une bonne nuit. »
Rendons à César ce qui lui appartient et portons au crédit de Liev Schrieber, acteur devenu à ses risques et périls réalisateur, le fait d’avoir voulu faire partager avec le plus grand nombre, tout au long des 110 minutes de ses premiers tours de manivelle, l’attachement sincère pour un sujet fort – la tragédie du peuple juif – qui le touche visiblement de près.
Passée cette considération générale, le film présente, dès ses premiers plans, des défauts sur le plan formel. Loin d’avoir le doigté pour imposer une griffe par sa seule maîtrise de la réalisation et à défaut de s’en tenir à la modestie des moyens, le novice s’efforce au contraire à citer la liste de ses illustres références. Du coup, on retrouve dans Tout est illuminé beaucoup trop de clichés stylistiques typiques de ces premières oeuvres du cinéma indépendant américain qui cherchent plus à séduire par l’effet qu’à convaincre par la rigueur. Dans la série des incontournables, il faudrait énumérer les imparables images stoppées dans le mouvement, pour nous raconter la vie des protagonistes, les désormais célèbres nuages passant en vitesse accélérée dans le ciel (façon Gus Van Sant période My Own Private Idaho). Le spectateur éprouve inévitablement le sentiment fâcheux de se trouver devant un produit composite de facture recyclée.
Puis peu à peu, les tics esthétiques s’estompent pour laisser place à une description plus profonde des personnages dont les aspirations mystérieuses conduiront à la quête d’une mémoire et d’un passé, lançant ainsi véritablement la trame du film. Histoire de regards qui cherchent à chasser les zones d’ombre de l’intime, la vérité et ses fragments se doivent d’être vus de ses yeux vus pour être intégrés et favoriser l’épanouissement de l’être sur de solides repères. Schrieber exploite du coup généreusement la thématique de la cécité, au propre, comme au figuré. L’anti-héros américain, interprété par Elijah Wood (peut être un brin trop emprunté), masque de plus en plus mal ses émotions derrière ses lunettes et l'apparat de son argent occidental, tandis que le grand père ukrainien, sa faisant passer pour un aveugle dans les premières séquences, finira le film les yeux grands ouverts sur sa vie après avoir réveillé des blessures de plus de 50 ans.
En abordant le souvenir de la Shoah, le réalisateur n’apporte pas de regard critique sur les différents moyens de transmission du legs historique (fétichisme, visite guidée pour les juifs fortunés revenant sur les terres des leurs ancêtres, symbolique officielle…) pas plus qu’il ne nuance, en opposition au libre arbitre, la vertu éducative et curative d’un passage obligé par le déterminisme de l’héritage culturel pour se construire. Son choix se limite simplement à exposer la certitude selon laquelle le devoir de mémoire gagne à être multiple et protéiforme. A ce titre, le parallèle entre le jeune collectionneur compulsif interprété par Elijah Wood et la collectionneuse ukrainienne qui accumulé et conservé, au long de sa vie, des preuves de la vie des personnes tuées par les nazis, reste édifiant. Le spectateur assiste en douceur à un passage de témoin de la mémoire entre les générations. La poésie, par touches impressionnistes, qui traverse ces plans représente sans nul doute la plus grande réussite du film. Malheureusement, après ces scènes d’une grande délicatesse, la démonstration devient trop appuyée ou trop naïve (Les flash backs sur l'exécution du grand père chauffeur de taxi sont ratées esthétiquement et larmoyantes, le final didactique).
Si le sujet est généreux, l’œuvre porte hélas en elle les maladresses d'un film de jeunesse trop révérencieux vis à vis d'un certain idéal sophistiqué de cinéma d’auteur et qui peine à dissimuler un manque de singularité dans l’approche du propos tout en n’évitant pas toujours les écueils sentencieux.
Redrum (+ PETSSSsss)
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