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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Orgueil et préjugés (Pride and prejudice)
USA / 2005
18.01.06
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UN AUSTEN PAS AUSTERE
"Ce n'est qu'en rencontrant le grand amour que je pourrais être convaincue de me marier, et c'est pourquoi je finirai vieille fille."
Faut-il avoir une âme de midinette pour succomber aux charmes de cette adaptation tonique et joyeuse du roman de Jane Austen ? Sans doute, car Joe Wright a beaucoup misé sur l'aspect romantique de l'intrigue. Exit la critique sociale, réduite à quelques allusions parsemées de ci, de là, et très vite tournées en dérision (le mariage d'intérêt de Charlotte, le snobisme de Caroline Bingley, l'obsession pécunière de Mrs Bennet…), priorité à l'amour et à ses multiples déclinaisons. On n'échappe donc pas à quelques clichés sentimentaux sur fond de lever de soleil rougeoyant et de campagne verdoyante (pour faire bonne mesure).
Pour autant, le film a un vrai ton qui lui va bien. Dès les premières scènes, tout virevolte à l'écran, les personnages sont en perpétuel mouvement, les dialogues fusent de toute part et cette effervescence insuffle un rythme alerte qui souligne la joie de vivre des protagonistes et la légéreté du propos. Malgré les difficultés financières et la rigidité d'une société tout entière dévouée à sa propre conservation, donc fortement hostile aux différences, on danse sans cesse et l'on rit beaucoup dans le voisinage de la famille Bennet. Même les pires injures sont échangées avec le sourire. C'est bien sûr l'époque qui veut cela : quoiqu'il arrive, les apparences doivent demeurer extrêmement policées et les émotions ne transparaissent pas.
Ping-pong verbal
Joe Wright joue de ce contraste en filmant en gros plans les révérences tantôt chaleureuses tantôt glaciales, les regards brûlants ou furieux dans des visages de marbre, les êtres qui se contiennent sans cesse tandis que les corps se relâchent le temps d'une danse. Dans ce contexte, les joutes verbales qui opposent Lizzie Bennet et Darcy ont une saveur toute particulière. Leurs dialogues sont d'ailleurs si brillants qu'ils éclipsent la mise en scène, honnête mais peu aventureuse, et l'on se régale sans ambages du cynisme, de l'ironie, voire de la cruauté qui les anime.
Le duo d'acteurs est pour beaucoup dans la fluidité de cette partie de ping-pong verbal. Parfaitement spontanés, ils ne font jamais sentir à quel point chaque phrase a été écrite et peaufinée jusqu'à devenir une véritable pièce d'orfévrerie littéraire. Keira Knightley a le répondant tourbillonnant que l'on attend d'Elizabeth Bennet : regard malicieux, sourire pétrifiant et inflexion de voix faussement ingénue. Quant à Matthew Macfadyen, il campe un Darcy très étudié. Ne pas avoir choisi un acteur trop visiblement séduisant et charismatique permet de jouer sur l'ambiguïté des sentiments. Au premier abord, il est parfaitement antipathique : l'air hautain, le visage impassible et fermé, il semble être perpétuellement contrarié. Seul son regard, vif et animé, laisse petit à petit percer sa véritable nature.
Pour réussir un film, il suffit parfois de laisser son orgueil de côté. En s'oubliant totalement au profit de son intrigue, Joe Wright a fait preuve de sagesse : venu pour Jane Austen, on reste pour l'ambiance et la grâce de l'ensemble. Peut-être pas ébloui, mais charmé, sans aucun doute. MpM
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