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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Les bronzés 3, amis pour la vie
France / 2006
01.02.06
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DES RIDÉS
"- Je vais pas gâcher mes vacances parce qu'il fait sa crise d'homophobie."
Les paris étaient casse-gueule. Celui de faire rire ou en tout cas sourire aussi bien qu'il y a un quart de siècle. Celui de faire revivre des personnages devenus cultes et célébrés en tenant compte de l'évolution des comédiens qui les incarnent et du temps qui passe. Celui de les faire revenir avec justesse mais aussi justification, sans que ce ne soit un prétexte ou une pantalonnade ringarde. Enfin celui d'être fidèle à l'esprit bronzé : soit des français moyens, mesquins, radins, un peu ratés, obsédés par le sexe, pitoyables sur le registre humain. Et pourtant on rit, on les retrouve, on les aime.
J'en vois qui font la moue du genre "c'était mieux avant". C'était juste différent. Les trois épisodes ont leurs qualités et leurs défauts (jamais les mêmes). Celui-ci déçoit sur la réalisation - nous attendions mieux d'un réalisateur qui a su depuis Les Bronzés nous prouver un talent certain pour l'image, et pas seulement du montage. Et avec l'âge le film devient sexuellement bien sage, aussi conservateur que notre époque.
Mais, à l'inverse, les auteurs, plus mûrs, maîtrisent davantage le scénario, de loin le mieux écrit de la trilogie. Le seul qui ressemble à un script abouti pour le cinéma. A défaut de réinventer la bouffonnerie (ils ont laissé ça aux comiques de la TV des années 90), ils ont nourri leurs retrouvailles d'un quart de siècles d'expériences artistiques riches et variées, sans sortir de leur désir : se payer le franchouillard.
Et ils ont voulu se faire plaisir (notamment en offrant une nouvelle lecture, jouissive, de l'épisode du refuge dans la montagne des Bronzés font du ski). On en apprend de belles... "On s'est aimés avant de s'aimer, c'est comme du Lelouch!" apprendra-t-on en guise de révélation burlesque.
La recette est infaillible : plantage du décor sur fond de musique dansante, arrivées successives des personnages, moeurs étranges observés à la loupe, cataclysmes en chaînes (notamment à cause de Popeye), final en forme d'esquive (la lâcheté collective conduit à fuir ses responsabilités individuelles) avec un départ forcé du lieu idyllique. La suite est évidente, logique; c'est peut-être là que se situe l'exploit. Il prolonge le second dans son histoire, mais il est l'écho du premier dans sa forme comique.
Tout est respecté. Ils sont toujours aussi méchants entre eux ("j'étais sûr qu'il réagirait comme un con."). Et hargneux avec la société contemporaine. Peut-être un peu plus résignés sur leur propre sort. On laisse tomber les situations "gaguesques" du deuxième pour revenir à l'humour cinglant du premier. Ce manque de concession que l'on craignait révèle surtout une évolution lucide de leur génération : bobos conformistes, politiquement corrects (de façade), hypocrites, égoïstes, arrogants, désirant une vie sécurisée, orgueilleux, et au final bien malheureux mais incapables de comprendre vraiment pas pourquoi.
Mordant, parfois drôle, souvent bien vu. "L'année a été rude." Les baby boomers se sont pris des échecs dans la gueule, ont le fisc pour ennemi, et dressent un portrait de la France qui n'a rien de réjouissant (cependant, c'en est jouissif) - l'employé fautif qui fait chanter le patron, les abus de procédures juridiques, la chirurgie esthétique comme nouvelle religion; mais surtout la réussite financière et l'épanouissement personnel vient de ceux qui se sont expatriés (aux USA). "Putain d'Europe!" Le Splendid penche à droite. C'est toute l'ironie de ce triptyque : critique du tourisme de masse aux temps du giscardisme, il a zappé le mitterandisme pour revenir parvenu d'un chiraquisme déclinant. Des privilèges d'une classe sociale qui profitaient de vacances "partagées", nous sommes passés aux passe-droits d'une génération qui profite d'un luxe bradé. "Ignore the influence of gravity", c'est écrit. Il n'y a plus d'espoir; que les désillusions et petites trahisons.
Amis pour la vie, on ne sait toujours pas ce qu'ils se trouvent n'ayant rien à partager, à part les emmerdes. Que Chazel soit la marraine du fils de Jugnot et Balasko est la preuve flagrante du vide sidéral de leur entourage proche et de cette solitude contemporaine. Piégés par leurs complexes ou névroses, il est intéressant de constater qu'ils ne changent pas tant que ça, quelques soient les situations auxquelles ils sont confrontés. Ils n'ont finalement que ce qu'ils méritent. Ces 7 éléments (n'oublions pas Lavanant) se subissent plus qu'ils ne se supportent. "J'aimerais faire un break avec les emmerdes des uns et des autres, et surtout des autres."
Mentions spéciales aux triumvirat triumphant Blanc, Balasko et Jugnot. Leur jeu est plus nuancé, affiné, et ils se sont clairement écrits les meilleurs rôles (y compris dans leurs frasques moins monolithiques). Cela ne retire rien aux autres, même si Lhermitte est plutôt transparent, le seul d'ailleurs, à ne pas s'être épaissit, dans tous les sens du terme. Il est le pivot, celui qui accueille, le welcome desk, le passeur de plat, le créateur d'embrouilles. Rien à voir avec sa prestation légendaire du Pierre de S.O.S. détresse...
Ce sextet très sexué va surtout devoir composer avec les maux de leur temps, autrement dit, les problèmes que leur génération a laissé prospérer. Ces bronzés vont croiser d'autres bronzés. Unis dans leur destin, mais chacun dans son coin pour y aller. Peut-être, qu'enfin, ils apprendront la solidarité. Mais ce n'est pas sûr avec ces braves ordures. En Afrique, ils étaient insouciants, plein de promesses. Au ski, l'avenir ressemblait à une impasse. En Italie, ils comprennent qu'ils sont en prison. L'aliénation est achevée pour le meilleur et pour le rire. vincy
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