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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Cette femme-là
France / 2003
15.10.03
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INSOMNIA
"- Y a deux solutions. Ou vous arrêtez votre numéro de charme tout de suite. Ou bien vous continuez et dans ces cas-là, on ne prend pas de desserts."
Pour parler de Cette femme-là, il faut d’abord faire l’éloge de celle qui en est le corps, le visage, le regard et la mentalité : Josiane Balasko. Dans le prolongement de son personnage de Trop belle pour toi, la comédienne nous sort le grand jeu pour nous faire oublier sa nature comique : pas un sourire, pas une vanne, même pas un soupçon de séduction. Cette femme-là déprime. La noirceur lui sied d’ailleurs très bien. Elle est de toutes les scènes. Portant le film sur ses épaules, Balasko nous guide dans son labyrinthe intérieur. Et nous la suivons, aveuglément. C’est évidemment la principale réussite de ce polar davantage psychologique que dramatique.
Cela fait plaisir à voir : un cinéaste français est capable d’être inspiré, d’avoir son style et de nous emmener dans une histoire cohérente et visuellement alléchante. Durant les premières images, très léchées, une succession de décors, comme des photos imprimées dans la mémoire, anticipent un cauchemar réel, dans lequel la femme flic évolue. Une femme flic aux idées suicidaires qui va, en parallèle, poursuivre une enquête, soigner sa dépression et choisir entre la mort, la survie et l’espoir. Nicloux, avec subtilité, va lui glisser des peaux de banane mais aussi des anges gardiens. Cette double investigation, l’enquête policière et la psychanalyse de la flic, aboutira à une énigme et à une solution. Mais la preuve sera faîte que le film se fout du meurtre, sorte de McGuffin servant de fil conducteur à ce rêve macabre, ne se passionnant que pour cette femme, angoissée, championne de puzzle, et chouchouteuse de lapin. Nous saisissons alors que l'enquête n’est en fait que l’investigation de son psychisme.
Peu craintive, elle cherche à affronter ses peurs. Et si le film ne nous effraie jamais, il ne nous laisse pas en paix, jouant avec nos nerfs, nous perdant dans ce no man’s land entre rêves et réalités. Si bien que les fins se multiplient jusqu’au tableau final, où après avoir tout appris, nous comprenons que le sujet (elle) et le verbe (vivre, mourir) se complémentent à l’insu des subordonnées (les suspects, les collègues, l’amant). Pour cela, Nicloux multiplie les symboles, et les voyages dans les fantasmes. L’insomnie brouillera un peu plus les pistes de l’interprétation finale.
Film noir s’autorisant quelques pointes de dérision, il est écrit comme un de ces puzzles immenses qui meublent ses nuits blanches. Chaque pièce apporte une donnée ou un élément à la compréhension du personnage : de l’ancien mari à la tragédie qui la hante. Cet aspect ludique est renforcé par les détails périphériques qui deviennent des obsessions : lieu, objet, vêtement. De même, tout comme dans Une affaire privée, le réalisateur multiplie les visages, et nous offre une galerie de personnages troubles. Le scénario, malin, se double d’une mise en scène soignée. Rare pour être souligné. Il faudrait remonter au très beau Sur mes lèvres (d’Audiard) pour retrouver un tel film dans le cinéma français.
Le film fait confiance à l’irrationnel et interpelle l’intelligence du spectateur. Si le suicide n’est pas la solution finale, et si finalement elle comprend qu’elle tient à la vie une fois dans sa tombe, cette Balasko-là n’est pas simplement optimiste. Le film a vécu le temps d’une guérison, entre chien et loup, aux abords du Styx. Il nous permet de croire que cette femme attachante pourra retrouver un peu de bonheur, de nouveau. Parce qu’elle le vaut bien. vincy
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