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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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M:I:III (Mission : Impossible III)
USA / 2006
03.05.06
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CE FILM VA S'AUTODETRUIRE DANS 5 SECONDES
Rien à dire. Bon opus. Pas de problème. Le troisième épisode des péripéties d'Ethan Hunt a tout pour faire le carton attendu. Slalomant entre télévision contemporaine, jeu vidéo et omniprésence vidéo, les deux producteurs marionnettistes glissent adroitement sur le terrain balisé des nouvelles images. Tom Cruise et Paula Wagner - dont on ne sait jamais exactement à quel point ils sont responsables des directions artistiques de leurs productions - opèrent cependant une sorte de marche arrière sur la pente du cinéma actuel. A l'inverse de ceux qui voudraient intégrer la modernité technologique de nos sociétés au corps même de leurs histoires (comme l'avaient d'ailleurs fait les deux précédents épisodes), M:I:III préfère revenir à un cinéma d'action low-tech, fondée sur la performance humaine. Le héros physique revient en force, débarrassé d'une bonne partie de son attirail cybernétique désormais ringardisé par son utilisation permanente dans notre vie quotidienne (ou dans le cinéma d'auteur, voir Be With Me, d'Eric Khoo).
Alors, s'il subsiste évidement les deux ou trois marques de fabrique de la franchise M:I (le film autodétruit, les masques... quoi d'autre, la musique ?), c'est plus par clin d'œil que par reconnaissance d'un quelconque intérêt dans la série de départ. De fait, les missions ressemblent moins ici à l'exécution d'un programme informatique, avec comme seul point de suspense, l'éventualité d'un bug, et d'avantage à un action movie classique, à la limite du film de super-héros.
En l'occurrence, infiniment plus convaincante que les tentatives – vite avortées – d'incursion dans l'intimité de l'espion (on pense d'abord à un True Lies raté, malgré les qualités nombreuses et notamment visuelles de la petite amie, Michelle Monaghan), deux ou trois séquences d'action pure, d'une rare efficacité, valent à elles seules le déplacement, les dix Euros et l'afro du mec assis devant. Dans un genre très coutumier de la série, la scène d'infiltration, au Vatican, est extrêmement bien fabriquée, de sa préparation à l'escamotage final (à noter d'ailleurs sa construction en circuit fermé, comme un court-métrage à l'intérieur du film).
Dans la presque continuité aussi, notons l'assaut, très spielbergien (on pense au Soldat Rayan) des terroristes sur le pont ou, plus tard, les déplacements ultra-dynamiques dans les rues aussi bien horizontales que verticales de Singapour. En l'espèce, le style de la série se renouvelle, bien qu'il demeure assez télégraphique et impersonnel : ce ne sont plus les inserts sur les bidouillages manuels, les plans de coupes, images de synthèse technoïdes qui sont le moteur du suspense et de l'action, mais plutôt l'omniprésent point d'ancrage humain, physique, charnel - bien que peu viril - d'un Cruise majoritairement filmé en pied, et vers lequel tout converge.
Alors, si elles semblent tant rejetées au second plan par ce classicisme de genre, quel statut, quelle place occupent les nouvelles images évoquées plus haut ? Justement pas celui d'un second plan mais plutôt, en amont, et au delà même du filmage, dans la substance même de la production du film.
Le trio Wagner-Cruise-Abrams est parfaitement conscient de la nouvelle place du cinéma, quasiment secondaire, au royaume de l'image omniprésente, jusque dans nos poches. En tant que produit de consommation, désormais au même titre que la vidéo sur demande, M:I:III s'attribue une valeur équivalente. L'ancrage "humain" sert ici à dégoupiller les craintes liées à l'évanescence de l'image. Mais le film assume : il est autodestructible, aussi bien par le choix du créateur de série télé J. J. Abrams à la mise en scène, que par la futilité désabusée des enjeux de l'histoire, qui s'amuse à créer un amusant remue-ménage autour d'un objet, la "patte de lapin", dont on ne saura absolument jamais à quoi il sert. Aussi bien son aspect grotesque (fluorescent et trop sophistiqué) que son rôle dans l'histoire renvoient directement à ce que Hitchcock appelait McGuffin, lorsqu'il parlait de cet objet sans fond qui tenait lieu de justification à l'action de beaucoup de ses films. A ce titre, l'égrenage d'un concept aussi vide que celui de la série Mission : impossible, dont les deux ou trois trademarks citées plus haut, sont les prétextes-gadjets parfaits aux plus invraisemblables fourre-tout scénaristiques, relève de l'ironie intelligente et singulièrement comique.
A ceux, enfin, qui voudraient voir en M:I:III un simple film d'action, Tom Cruise, par toutes ses attitudes, rappelle qu'il n'y a rien de simple dans ce qu'il fait ou ce qui l'entoure. Que ce personnage public, comme le dit Abrahams, soit ou non "un mec comme un autre en privé", tout ce qu'il touche attrape de près ou de loin son aura fascinante et bizarre. Et M:I:III n'échappe pas à la règle. axel
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