Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Leçons d'amour à l'italienne (Manuale d'amore)


Italie / 2005

05.07.06
 



JE T’AIME, UN PEU, BEAUCOUP, PASSIONNEMENT… PLUS DU TOUT





« Les amoureux ne vous écoutent plus tellement, ils sont dans leur monde »

La « comédie à l'italienne » a marqué une époque particulièrement faste du cinéma transalpin entre les années 50 et 70. Des films à sketches, comme Les Monstres et Les Nouveaux monstres (réalisés par Mario Monicelli, Dino Risi et Ettore Scola), en furent quelques-uns de ses plus beaux fleurons. A sa façon, le réalisateur Giovanni Veronesi perpétue la tradition. Sans verser dans le passéisme, la comparaison s'arrête là. Il a préféré le thème de l’Amour, universel, indémodable et inépuisable. On ne sait jamais quand et pourquoi on tombe amoureux. La surprise est totale : le cœur bat la chamade, des papillons tourbillonnent dans le ventre et notre comportement change du tout au tout. Cela nous transforme et nous marque à vie, et pourtant, voilà des millions d’années que nous cherchons à comprendre ses mécanismes sans jamais y parvenir. Il faut le vivre, et le faire à fond sans appréhender l’avenir. Ce sont tous ces états d’esprit, ces « jeux de l’amour et du hasard », qu’a voulu montrer Giovanni Veronesi. Et comme il est souvent admis que les Italiens sont passés maîtres dans l'art de ces divertissements, on se plait dans cette comédie romantique à rêver à leur errance sentimentale, à la théâtralité montrée de leurs sentiments les plus forts et finalement, à comparer leurs expériences avec la nôtre.

Sous couvert d’humour, de fantaisie mais aussi de réalisme, il décortique avec véracité toutes les émotions par lesquelles les êtres humains passent lorsque l’Amour, la crise, la trahison, l’abandon sonnent à leur porte. Sous forme de petites saynètes bien orchestrées, il nous donne à voir cinq histoires d’amour… à l’italienne, c’est-à-dire pleine de tchatche, de passion, de panache, de séduction voire même d’excès, où la vérité n’est pas toujours facile à voir ou à entendre.

Le film à segments est un genre cinématographique à part entière. Il peut s’incarner dans le romantisme (L’Amour à vingt ans, réalisé par Shinto Ishihara, Renzo Rossellini et François Truffaut) aussi bien que dans le fantastique (La Quatrième dimension, de Steven Spielberg et Joe Dante) et porte dans sa définition même son principal défaut : le caractère forcément inégal, voire bancal, des différentes saynètes qui composent le long-métrage. Et pourtant, ce style est quasi une institution chez les cinéastes italiens. Tous les plus grands s’y sont essayé : on se souvient d’Affreux, sales et méchants d’Ettore Scola, drôle et provocateur, de Tu mi turbi (Tu me troubles) de Roberto Benigni ou bien encore de Coffee and Cigarettes de Jim Jarmusch. Si réussir un film dit à sketches est une des gageures les plus flagrantes du septième art, l’ambition de réunir plusieurs cinéastes – autour d’un thème en général assez flou ou très vaste, tel l’actuel Paris, je t’aime, pour que chacun, avec son style, ses obsessions et son univers visuel, propose sa façon de regarder le monde – est rarement couronnée de réussite sinon bien distribué. La plupart du temps, parmi les trois ou quatre courts ou moyens métrages, un seul sort du lot. Ce qui n’est pas le cas dans Leçons d’amour à l’italienne puisque Giovanni Veronesi est le seul capitaine à la barre. Son choix de construction en cinq actes n’est pas novateur mais il facilite le changement de décors, de personnages, de situations sans pour autant devoir les lier de façon appuyée et remarquée (comme dans Les sept pêchés capitaux, réalisé par un collectif franco-italien en 1951, où les sketchs avaient tous pour fil conducteur le meneur de jeu d’une fête foraine). Veronesi la joue plus subtile en ne faisant apparaître le lien entre les différents qu’à la fin du film grâce à des pirouettes dans les dialogues.

Si le premier récit – le coup de foudre – fait craindre pour le reste du film par son côté fleur bleu voire mielleux, et par l’accumulation de nombreux lieux communs parfois « capillotractés », elle amène un souffle de fraîcheur et une vague de charme. Et les deux jeunes acteurs Silvio Muccino et Jasmine Trinca y sont pour beaucoup. Lui, ressemble davantage à un ado joufflu tout juste sorti des jupes de sa mère, tant son personnage de Tommaso est gauche dans ses relations aux autres. Mais cette malhabileté le terriblement attirant. Elle, a la grâce envoûtante des actrices italiennes d’hier et fait rêver autant le spectateur que le garçon qui lui court après.
A contrario de certaines mièvreries romantiques hollywoodiennes, la suite du film emploie toutes les situations les plus banales du quotidien pour nous faire rire, mais sans jamais tomber dans le mauvais goût. Le cinéma italien a toujours su puiser son talent dans la provocation, dans le sarcasme et dans un style bien particulier, celui de l’authenticité qui sait vous faire valser aux travers d'émotions contradictoires, dosant à la perfection fiction et réalité. L’univers de Veronesi n’a nul besoin de violons pour attendrir ; le charme de la sérénade italienne se suffit à elle-même.

Le secret de cette réussite ? D’une part, la facilité avec laquelle le spectateur peut se fondre dans les situations proposées. En fonction de son âge ou de son vécu, on pourrait se contenter de n'apprécier que l'une des quatre histoires. Ce serait regrettable, car Giovanni Veronesi fait preuve d'indéniables qualités d'observation de la nature humaine, quelques soient les étapes d'une histoire d'amour. Le spectateur lui-même est amené à participer à la vie amoureuse des personnages, lorsque ceux-ci lui parlent face caméra. Un procédé employé en doses homéopathiques mais qui a pour effet de donner un rôle au spectateur sans pour autant le solliciter outre mesure. Il devient le confident pendant de courts instants, une occasion supplémentaire pour lui de sourire. Les monologues prononcés pendant ces moments-là sont le parfait reflet de ce qu’il aurait pu exprimer en pareilles situations. « Enfin quelqu’un qui dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas », pourrait-il se dire ! C’est à se demander si ces intermèdes ne sont pas faits pour montrer aux spectateurs à quel point l’amour peut faire faire n’importe quoi à l’être humain… D’autre part, l’humour un brin ironique dans ces situations souvent caustiques, est mené sur le ton d’un comique typiquement italien, digne des rôles d’Arlequin et Colombine dans la Comedia dell’Arte. Même le passage traitant de l’abandon – pourtant un sujet terrible à vivre – prend la tournure d’une plaisanterie, où l’homme quitté n’a rien d’un chien abandonné sur le bord d’une route un jour de pluie.
La recette est parfaite car tous les ingrédients sont réunis : un scénario bien écrit où tout s’enchaîne à merveille, dans lequel tous les personnages se trouvent être (plus ou moins) liés les uns aux autres (certains diront qu’il est un peu trop lisse); un casting d’excellents acteurs qui, malgré la multiplicité des rôles, arrivent à sortir leur épingle du jeu. Même si chaque saynète met en avant une étape de la vie amoureuse, chaque protagoniste traverse plusieurs états d’âme, délivrant une palette d’émotions variée et étendue. Faire rire et émouvoir l’instant d’après n’est pas chose aisée et pourtant, tous les acteurs passent par ces transitions avec talent. Et l’humour à gogo fait le reste sans jamais tomber dans la facilité de la farce pesante (et sans saveur). Le réalisateur, amoureux pragmatique du genre humain, a bien compris qu’il était plus facile de passer par l’autodérision pour se moquer de nos travers affectifs que de donner des leçons moralisatrices, souvent inefficaces.
Un film plutôt réussi (sans être un chef-d’œuvre inoubliable), qui sera d’autant plus exquis s’il est vu en version originale, afin de se délecter de ce qui fait le charme des Italiens : leur verve intarissable à l’accent enchanteur, donnant encore plus de puissance aux dialogues.
 
Marie

 
 
 
 

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