Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Fair Play


France / 2006

06.09.06
 



LE GRAND SAUT





"- La loose ça pue! Y a rien qui schlingue plus que la propension à l'échec."

Casse-gueule, c'est le cas de le dire. Un faux huis-clos allégorique basé sur un court métrage (la séquence de squash ici présente) cela aurait pu donné un film bancal comme Assassin(s) de Kassovitz. Mais Bailliu, ne s'éloigne jamais de son concept : il en assume même, tout au long de son film, à la manière d'un Verhoeven par exemple, les vices pas cachés et pas seulement de forme de ses protagonistes. Il décrypte la survie de notre espèce en milieu hostile : l'entreprise, puisque l'économie règne tyranniquement sur nos existences. De là, l'homme devient bête (dans les deux sens du terme). Humiliant, trahissant, mentant, manipulant, tuant. Dénué de conscience.
Fair Play est cliniquement horrible. Dialogues (et slogans insipides de motivation), regards, situations, le jeu d'échecs (de mises en échecs, où il ne peut pas y avoir de bons perdants puisqu'on n'apprend as à perdre) est un jeu de massacre. Jouissif, bien évidemment. Le mépris des individus peut-être mesquin, outrancier ou pervers, il reste nauséabond et nous démontre en huit décors au grand air (bol d'air impur qui abreuve nos ambitions). De la subtile partie de Golf à la séance carnassière de squash, tout n'est qu'épreuves, obstacles, pressions, ...L'entreprise résumée à des matches ou des activités sportives, la métaphore s'avère facile.
Pourtant Fair Play est presque abstrait. Ce qui le rend fascinant. Si les discussions / décisions d'entreprises sont clairement perceptibles, l'environnement renforce l'hypocrisie des mots, met en relief leur pouvoir destructeur, accentue cruellement l'impact sur les hommes. Malgré l'élégance et la courtoisie apparente, et tout cela volera en éclat, le film bascule dans le carnage psychologique. Le squash mettait nos nerfs à vif. La séquence du canyonning, apogée du film, nous enfonce dans les abîmes du cynisme, dans un cadre spectaculaire et une succession d'actions maîtrisées.
Pendant ce temps, la nature se rit de nos petits tracas arrivistes et opportunistes. Si la défaite n'existe pas, il faudra s'attendre à une victoire à la Pyrrhus. Le processus d'enrôlement n'est pas une finalité en soi. Le principe d'élimination, digne du Maillon Faible, dans la plus stricte logique libérale et individualiste, Mental, émotions, physique, tout n'est qu'un jeu sans règles, un match sans esprit. Peu importe les mains sales tant qu'on a gagné. Les visages sont défaits face à la défaite. Fair Play n'oublie pas le jeu des apparences. La fausse transparence aussi, où la vie privée devient une arme dans la vie professionnelle.
Casting collectif nickel, réalisation efficace, le film, qui plus est court, est une étonnante surprise dans le paysage cinématographique français. Critique du système et divertissement sans compromis, il parvient à allier ses allures de thriller avec une vision d'auteur. Cette course effrénée vers l'exploit, ces objectifs de résultats, cette fausse solidarité de groupe : tout transpire avec sans nous faire suer. Le film, malgré quelques facilités, notamment cette conclusion très "twist" hollywoodien, nous démontre en huit temps, comment l'Homme a oublié son humanité au vestiaire. Et aux Ressources Humaines.
 
V.

 
 
 
 

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