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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le Parfum (Perfume) (Histoire d un meurtrier)
Allemagne / 2006
04.10.2006
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S'EN TIRE PAS TROP MAL
"- Perish your love!"
Le défi était impossible. Adapté l'inadaptable (qui plus est l'histoire d'un inadapté) relevait de la mission suicide pour un film. Une fois le résultat éventé, ce Parfum au goût pas assez prononcé a quand même des relents de kitsch assumé.
Ce que l'on peut reprocher au film c'est avant tout son déséquilibre narratif, son absence d'inspiration pour exprimer le don olfactif de son personnage, et finalement sa banale illustration du propos. La dérision encrée dans le roman de Süskind se mue en récit trop sérieux. La partie parisienne (près de la première moitié du film) est agrémentée d'une voix off oppressante, où la cruauté et la beauté du livre s'évaporent avec l'insipidité de la réalisation. La langue anglaise n'aide pas dès qu'un nom propre est prononcé (Grenouille muant en une sorte de "greenoullié"). L'esprit du Parfum s'en trouve contrarié. Là où l'on devait flirter avec Amélie Poulain et de son fabuleux destin, on se retrouve avec un simple "Il était une fois une sorte de Quasimodo..." La légèreté a disparu. Le flacon, sans l'ivresse. Pourtant il y a quelque chose d'irrésistiblement comique à voir ce jeune Grenouille (Ben Wishaw très bien) semer la mort inconsciemment. Tout ces bienfaisants (mère, gardienne de l'orphelinat, patron, mécène...) qui crèvent dès qu'il les quitte auraient pu nous emmener dans une forme de drôlerie macabre.
Mais Le Parfum se prend trop au sérieux. Et cette première partie est ratée. Il n'y a qu'à voir comment le réalisateur Tom Tykwer filme l'infilmable : l'odorat.
Un nez qui sniffe, effets très appuyés où les narines sont zoomées. Des images de viscères, vomi, poissons décapités. Le crade est trop esthétique. La séquence où l'on nous confirme lourdement le don du gamin est grotesque et grossière. le cinéaste assemble trois images (feuille, branche, pomme) et fait un gros plan sur le pif de Grenouille. Le spectateur ne ressent déjà pas grand chose, là il ne sentira rien. Sauf à essayer d'imaginer ce que cela nous évoque : et là chaque cinéphile est inégal. L'odeur de la pulpe de prune jaune vous vous en souvenez?
Heureusement, l'arrivée de Dustin Hoffman permet au film de s'éloigner de cette transposition littéraire banalisée. Le dépassé et le doué laissent place à une histoire dans l'histoire, où la voix off s'estompe, la musique nous emporte dans une jolie tension pas désagréable. Le sacré tarin d'Hoffman rend crédible cet épisode qui va contribuer, enfin, à lancer le film vers son destin : Grasse. Où le film trouvera un peu de grâce, multipliant les personnages, abandonnant presque la voix off, devenant un véritable suspens où le serial killer est déjà connu. Le film s'éloigne du sujet Grenouille pour nous raconter une autre histoire, plus captivante.
Dès son arrivée en Provence, Le Parfum (de Femmes) cesse le ridicule et les maladresses pour se focaliser sur ce qui aurait pu n'être que ça : un meurtrier aux motifs justifiables, où l'amoralité et le cynisme se mélangent pour mieux démontrer la faiblesse humaine. Au nom de la Science et du bien-être universel, peut-on sacrifier quelques humains? Trop faiblement esquissée, la question trouve cependant sa réponse dans une soumission de l'être à un irrationnel qui le dépasse. Le parfait parfum nous entraîne, à défaut de nous envoûter, dans une scène d'extase orgasmique et orgiaque digne d'une oeuvre de Spencer Tunick. Notons que l'amour universel est hétéro et lesbien mais pas gay selon le montage proposé. Reste que la puissance du sadisme exécutoire mais pas forcément exécuté aurait pu trouver une résonance actuelle avec le populisme occidental. Après tout, Grenouille domine son monde avec un sortilège... Celui qui manie les odeurs ne peut-être qu'idolâtrer.
Même s'il s'agit d'un héros pervers, puceau et lâche.
Hélas, on ne rentre jamais dans le personnage. Sa psychologie n'est qu'accessoire. Un passe plat dans l'histoire. Il est un guide conducteur des épisodes d'un conte morbide. Film d'horreur (très soft) plus que d'odeur, un peu ennuyeux (trop long, inutilement redondant dans ses traumas), Le Parfum est sauvé grâce à la beauté de certains gestes, une plastique irréprochable, un scénario crescendo, des comédiens bien employés. Ce cin-nez-ma à gros moyens mais sans grandes ambitions ne restitue ni la puanteur, ni la putréfaction. Pas plus qu'il ne nous convainc des douces effluves obsédantes du personnage principal. En ne parvenant pas à traduire l'essence de la beauté et en nous révélant l'insipidité des sens à travers l'outil cinématographique. En réveillant ce fort handicap du 7e Art, Le Parfum se condamne d'entrée à n'être qu'un arôme dans l'air jamais imprégnant. Un beau packaging et pas un produit artisanal. Un film distrayant mais pas entêtant. vincy (qui porte du Marc Jacobs)
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