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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Les fous du Roi (All the King's Men)
USA / 2006
01.11.2006
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LE CERCLE DES POLITIQUES DISPARUES
"- Si vous ne votez pas, vous ne comptez pas!"
Refaire, revisiter. Peu importe le nom. Hollywood se penche depuis quelques années sur ses années d'après guerre, entre idéalisme et déontologie, propagande et trente glorieuses. Clooney, Eastwood, Demme, Hanson, De Palma n'en finissent pas de puiser dans cette période là. Et quand il n'y a rien d'historique ou de biographique, ce cinéma s'inspire des films noirs ou mélodramatiques de cette ère cinématographique.
Les fous du Roi est à la fois un remake, une film politique trouvant écho aujourd'hui, et une oeuvre s'enracinant dans le classicisme post-âge d'or. L'image est chic, la photo nous donne même l'impression d'être dans l'irréel, une BD aux couleurs pastels très contrastées. Le film nous plonge dans une Louisiane pourrissante, entre principe et utopie, populisme et bienfaisance, foi et destin, vérité cruelle et mensonge arrangé. Tous les démons sont présents pour rendre le film passionnant. Tous les thèmes évoqués, de la corruption à la transparence, du népotisme au démagogisme, des lobbys pétroliers au rôle de l'Etat, en font un film malin, à défaut d'être clairvoyant.
Le début du film appuie parfois trop sur les effets. Avec ce prologue au coeur de la nuit dans le jardin du bien et du mal, on ne se doute pas de la complexité à venir des flash backs et de ce réseau de personnages tous plus ou moins liés par un seul homme. Incarné par un flamboyant Sean Penn, voix rauque, cassée et gestes amples, le gouverneur est le genre d'homme qui nous laisse perplexe par son ambivalence. Tous les filous du Roi ne sont pas mieux lotis. Car, "à la longue tout apparaît au grand jour", et l'imperfection de chacun va les entraîner dans les abysses des bayous. Jude Law sert de passe-plat et s'en tire bien en journaliste désillusionné et bourgeois rebelle. Entre son passé lumineux, sublimé par Kate Winslet, et son présent cynique, défendu par Patricia Clarkson.
Cette épopée de Candide au pays des pourris aurait pu suivre la partition musicale, emphatique et lourde. Mais le tragique et le lyrique flirte davantage avec une pièce de Shakespeare, où le Roi maudit se meurt. On ne peut s'empêcher que cet éloge du Keynésiannisme est une réplique hollywoodienne à la démission de l'Etat face à un cataclysme comme Katarina. Les raisons de la colère... il ne faut pas chercher bien loin.
Film clairement gauchiste, avec clin d'oeil à l'impeachement (destitution) de mauvaise foi type Clinton, la politique se met en scène et le spectacle vaut le coup. Charismatique, le film creuse son sillon pour, lentement mais profondément, tracer un fossé entre le bien et le mal. Mais quelques fissures suffiront à inonder cette frontière. Le sang coulera. Le linceul fétide sera prêt ses victimes. Il y a un pessimisme, un défaitisme qui rend le film oppressant. Aucune poésie ne suffira à alléger le propos. Le romantisme sonne faux, car il est faux. "Pourquoi le plus beau des passés accouche d'un présent sordide?"
La décadence, l'écroulement du monde donne à cette question une tonalité presque christique. Ce gouverneur n'est-il pas un Messie? Ou Hamlet?
Ah. S'il n'y avait pas ce propos trop littéraire, ce trop grand respect des mots, si le film avait été plus malicieux dans l'usage du son et des images... le plaisir aurait été immense. Ambition trop grande de vouloir démontrer que nos faiblesses nous rendent comptables, que l'innocence n'existe pas?
Heureusement pour le spectateur, les rebondissements nous surprennent et nous happent dans cette spirale infernale. Mieux, pour une fois, décompte et procès, enquête et révélation ne sont pas surexposée. Tout glisse.
Secrètement, discrètement, subtilement. La mise en scène peut-être jolie et séduisante. Les hommages à Huston et Capra coulent dans les veines de cette oeuvres. Désaxés et damnés s'unissent dans un final implacable. Et triste. v.
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