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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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The Prestige
USA / 2006
15.10.2006
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ELECTRICITE STATIQUE
"- Je t'ai trouvé un nom. Le Grand Danton. C'est sophistiqué.
- C'est français."
"Vous regardez bien?" Première phrase. Avertissement. Du coup, on anticipe. Le scénario est malin. Mais le spectateur n'est pas idiot. De twists en devinettes, hormis peut-être l'ultime, on comprend vite où Nolan va nous mener. Le problème n'est pas dans cette histoire agréable à suivre, riche en rebondissements, mais plutôt dans la forme. La narration est alourdie par un décorum classique et baroque, des maladresses de script, des personnages qui ne sont pas complètement convaincants dans leurs nuances. Nolan se fait piéger par sa volonté de nous bluffer. Les illusions peuvent toujours nous émerveiller, la morale de l'histoire s'avère une cruelle désillusion.
Si l'on reprend ses trois actes, le film tient ses promesses de divertissements, réussit son tour de passe passe (nous serions incapables de dire qui est le bon ou le méchant), mais manque son final, le bien nommé "prestige", qui s'embourbe dans un manichéisme revanchard et sentimental.
Si The Prestige est, de loin, son film le plus cher et le plus ambitieux, hormis son cousin Batman Begins, le cinéaste ne parvient pas à nous séduire comme aux temps de Memento ou Insomnia. Parabole de l'industrie du spectacle son film clame qu'il faut toujours faire du neuf pour entretenir le spectacle, et là nous sommes forcément déçus. Le sensationnalisme du propos ne trouve pas sa cohérence en images. Quant à l'intégrité louée, elle est tellement bafouée que le cynisme ambiant inonde tout le propos et nous l'envoie aux oubliettes.
Cependant, l'histoire captive. Rivalité, cruauté, criminalité : tous les ingrédients y sont. Les romances, en revanche, ne sont jamais au premier plan. Ce qui parasite autant que ça justifie le scénario. Mais dans cette dualité où tout est permit, il est facile de croire à tout, même à l'impossible, au machiavélique. Jouissif. car la marque de fabrique du réalisateur est bien de nous embarquer dans l'irréel et le subconscient. Nous voyageons dans deux cerveaux qui se complètent, qui ne comprennent pas forcément, qui se perdent eux-mêmes entre le virtuel et le réel, la magie et le métier. The Prestige est une métaphore un peu classique et premier degré du dédoublement de la personnalité. Qui trouvera son apogée dans la révélation finale, d'ailleurs.
Les autres sujets esquissés - la certitude, l'ambition, l'opportunisme - nous divertissent de cet axe en soi suffisant dramatiquement. Malgré de bons mots ("La science exacte n'est pas une science exacte"), de bons acteurs (bien castés), le script ne fait pas le lien entre la forme et le fond, les mots (trucages, secrets, vérités, illusions) et leurs sens à l'image.
Evidemment tant d'amoralité conduira à l'anéantissement : comme dans Memento et Insomnia, finalement. Ce "je d'échecs", un peu trop long sur la fin, ne nous épargnera rien de cette vision de justicier que s'impose le réalisateur dans chacun de ses films. Et si nous avons bien regardé, c'est Michael Caine qui détient toutes les clefs. Et son fidèle Batman qui a les cartes en main. The Prestige est une autre facette de son précédent opus. Il y a bien longtemps, avant que les comics n'existent, il existait des magiciens... v.
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